Loin de ses obsessions organiques habituelles, David Cronenberg signe un chef-d'œuvre épuré, avec un Ralph Fiennes littéralement hanté par son personnage. Un voyage dans l'inconscient à ne pas rater.
Spider débute sur le quai d'une gare londonienne de nos jours. Un homme descend d'un wagon. Ses vêtements lui donnent l'air de sortir tout droit des années 50. Il cherche son chemin dans les rues industrielles et se rend à l'adresse qu'il a inscrite sur un bout de papier. Il est accueilli par Mrs Wilkinson qui tient une maison de repos. Très peu loquace, notre homme est reçu sous le nom de Dennis Clegg. Il s'installe dans une chambre et passe ses journées à prendre des notes qu'il est seul capable de relire et erre dans la ville à la recherche de ses douze ans quand il se faisait appeler Spider et que son père tua sa mère pour la remplacer par une prostituée... C'est en tout cas ce dont il est persuadé.
Adapté du génial roman de Patrick McGrath, Spider est le portrait de l'esprit d'un homme dont les souvenirs et l'imagination se mêlent de manière à former une nouvelle entité. Pour nous faire pénétrer dans cet univers, Cronenberg va directement à l'essentiel en laissant tomber tous les artifices. Les décors sont réduits à leur plus simple expression : une commode contre un mur pour la chambre, une table et trois chaises pour la cuisine, etc. Le père de Crash montre que l'univers dans lequel évolue Spider ne peut que déteindre sur sa santé mentale. Cette banlieue industrielle est si triste et renfermée sur elle-même que n'importe quelle âme y évoluant finit par se renfermer à son tour. Sa mise en scène atteint elle aussi des sommets dans l'épure. La caméra cadre des détails d'apparence anodine comme les chaussures de Spider, mais tout le monde sait que les petites choses sont d'une importance capitale. Comme à chaque fois, Cronenberg sait s'entourer des meilleurs. Son complice de toujours, Howard Shore, le suit magnifiquement dans ce dénuement en composant une partition minimaliste au piano et à la harpe. Mais on retiendra surtout le travail de comédien de Ralph Fiennes qui est à la base de tout le projet. Rarement on aura vu un acteur utiliser autant ses expressions pour faire son métier sans avoir recours à la parole. Et Spider devient alors un film inclassable, unique et diablement savoureux.