Rattaché à Sony depuis des années, l’homme-araignée a subit de multiples interprétations et transformations dans son parcours mouvementé afin de satisfaire ses responsabilités en tant que héros. À croire que cette franchise est maudite par les générations qui tentent l’impossible en proposant diverses formules esthétiques et académiques, tout en préservant la même toile de fond. Pourtant, le studio et son trio de réalisateurs, comprenant Bob Persichetti, Peter Ramsey et Rodney Rothman, parviennent à susciter un intérêt là où se sont perdus les derniers opus de Sam Raimi et de Marc Webb. Il fallait tout de même passer par une technique d’animation très singulière, offrant diverses manœuvres de mise en scène, tout en jonglant sur le ton qu’on souhaite donner au film. Voilà donc ce que donne un comics en live action, un moment de générosité et de subtilité pour le plaisir de poser de nouvelles bases, pour un nouveau public en quête d’un témoignage de moralité.
Peter Parker. Un nom que nous connaissons que trop bien, mais également un nom dont les secrets de ses origines ne sont plus un mystère. Pourtant, le récit nous rabat sur ces racines qui œuvrent à rendre la psychologie du personnage complexe et limpide dans sa démarche. Mais le rideau doit être tiré, le temps de laisser s’épanouir le jeune Miles Morales, qui représenter à lui seul, les minorités américaines. Il est intéressant de découvrir ce personnage contemporain, qui noue avec la fiction comme s’il s’agissait d’une réalité. Schrödinger serait fou d’apprendre que son expérience est devenue un acquis dans le 7ème Art, comme dans bien d’autres domaines. Et la nuance touche profondément la sensibilité des lecteurs et des cinéphiles avertis, car le concept du Spider-Verse rend hommage à toutes les époques d’un héros qui se veut intemporel, par définition. Le film veut réconcilier les différents univers, qui sont considérés comme parallèles et qui démontrent qu’une cohabitation est possible, malgré les divergences et les dérapages. Le film ose et le film réussit.
Si à tout bon héros, on l’associe à un bon méchant, il est important de considérer Wilson Fisk, dit le Caïd, comme l’ennemi intime de la conscience de l’araignée. Il constitue un poison pour l’humanité, par son orgueil et sa motivation compréhensible, mais ce sont les actes qui nous définissent et qui nous conduisent vers le bonheur dont chacun cherche ardemment. Sa confrontation avec Miles est mineure, mais satisfera néanmoins la bonne dose émotionnelle qui se partage entre l’épique et l’amour de sa famille. Et toute l’intelligence se trouve ici, dans l’écriture de ce nouveau héros, qui insinue qu’on peut être plusieurs à porter le même masque. C’est d’ailleurs, avec subtilité, humour et autodérision, qu’on redécouvre un Peter farouche, après un passage de décadence, de paresse et de doute. Il fallait donc un nouveau regard, un regard frais pour remettre les pendules à l’heure et c’est ce que fait le héros métissé. Il finit par unir Spider-Gwen, Spider-Man Noir, Peni Parker et Spider-Ham autour d’un cercle de courage et de confiance, là où la maturité devra gagner la perception de Miles. Le pari est gagnant à juste titre.
Au-delà de l’individualisme, on encourage l’esprit d’équipe, mais ne délaisse pas pour autant l’indépendance et l’autonomie d’une personne vis-à-vis des responsabilités qu’on lui associe. C’est avec stupéfaction et admiration que « Spider-Man : New Generation » adoube le personnage de Stan Lee et ses diverses dérivations dans le spider-verse. La relecture moderne et ingénieuse triomphe des doutes que chacun laissera derrière lui, en échange d’une flamme qui s’éveille. Le projet épouse à merveille le langage visuel de la bande dessinée et rend à la fois hommage aux œuvres passées, quel que soit le support, et propose une extension d’un univers plus riche, rompant avec la monotonie d’un héros solitaire pour qui le soutien moral devient notre seul allié lors du visionnage.