Voir sa petite fille grandir, c'est parfois un crève-cœur, mais cela peut être aussi un soulagement quand on réalise qu'on va pouvoir très bientôt faire l'impasse sur les films pour tous petits généralement consternants, et se replonger dans une cinéphilie de grands enfants parfois (seulement) beaucoup moins débilitante. C'est ainsi que je me retrouvai cette après-midi de préparation hystérique des fêtes de Noël, bien tranquille en bonne compagnie de geeks surexcités, devant le "dernier Spiderman", en format animation, film ayant reçu des critiques positives à peu près unanimes.
Détestant viscéralement les super-héros au cinéma, surtout après le traitement insoutenable que la maison Marvel aux Grandes Oreilles nous a fait subir ces dernières années, j'avais néanmoins gardé une certaine nostalgie pour le très beau travail de Sam Raimi dans ses deux premiers volets de Spiderman, et j'ai donc pu savourer d'emblée les belles références à ce passé honorable d'un héros, permettant de passer avec honnêteté le relai à un jeune héros plus moderne, donc métis latino et afro-américain (ne manque que l'homosexualité, mais on peut supposer que cela viendra vite...), fort sympathique, et même souvent très touchant.
De plus, le scénario de Peter Lord s'avère particulièrement intéressant, permettant la multiplication de "Spider-men / women / pigs même" et ouvrant la porte à une réflexion méta au goût du jour sur les rapports entre l'oeuvre et son public, sans parler d'un dialogue fécond entre les diverses formes - à travers l'espace et à travers le temps - de la Bande Dessinée et de l'animation. Il convient certes de se protéger du rythme comme toujours trop effréné de nombreuses scènes - puisque c'est apparemment la loi du genre - et de tolérer une avalanche de couleurs psychédéliques épuisantes dans la dernière partie, parfaitement déstructurée et à la limite du compréhensible, mais c'est un effort auquel on consent aisément au vu de la splendeur générale du film.
Car il n'y a qu'une seule raison véritablement valable d'investir deux heures de notre précieux temps devant Spider-Man : New Generation, et c'est l'incroyable intelligence formelle dont fait preuve ce film qui, du coup, dépasse de la tête et des épaules tout le travail esthétique de la concurrence (Pixar y compris, oui...). En inscrivant les codes des comic books, les effets de trame, les décalage de couleurs, les bulles et les traits d'expression dans une image par ailleurs souvent proche du photo-réalisme, on obtient des effets esthétiques aussi bluffants que merveilleusement innovants. Presque chaque plan est l'occasion de créer de nouvelles perspectives inédites, d'inventer de nouveau mode de narration et d'illustration, et surtout de toucher règulièrement à une poésie singulière.
Disons-le tout net, visuellement, on a donc affaire ici à un chef d'œuvre, et donc à une expérience esthétique réellement supérieure. Pour moi, le reste importe très peu. Sauf évidemment la satisfaction de ma fille qui, ayant quand même déploré d'avoir assisté à ce qu'elle qualifie de "film pour les garçons", est sortie elle aussi émerveillée.
[Critique écrite en 2018]