Un film aussi chouette que frustrant. J’ai un peu l’impression de faire mon rabat-joie pour le coup, mais la réalité est que c’était sans doute l’un des films du MCU que j’attendais le plus dans cette phase 4. Non seulement le cliffhanger du précédent ouvrait une toute nouvelle voie pour le Tisseur et son univers, dans un contexte où il devenait le porteur de l’héritage de Tony Stark et l’une des figures de proue des Avengers. À cela, ajoutons l’énorme hype tissée autour du projet, avec les innombrables rumeurs qui se sont répandues au fil des mois. L’attente était immense, les bandes-annonces nous confirmaient certaines rumeurs ainsi que l’exploration du multivers (merci Into the Spider-Verse) ; il ne restait plus qu’à éviter les possibles spoilers au cours des quelques jours avant d’aller le voir au ciné. Pour en fin de compte réaliser qu’il n’y en avait pas réellement, et c’est là que réside la frustration et l’impression d’être un peu rabat-joie.
Parce qu’en soi, j’ai bien aimé ce film, qui fonctionne à fond sur la nostalgie et ressemble à une énorme madeleine de Proust. Mais à l’image de Civil War ou Black Panther, ou même Wonder Woman 1984 plus récemment, j’ai l’impression qu’il manque quelque chose au film pour prétendre à la marche supérieure, celle des films du MCU qui se démarquent vraiment (Infinity War/Endgame, The Winter Soldier ou le premier Avengers). En l’occurrence, ce qui m’a frustré le plus dans No Way Home, c’est que le film n’essaye pas d’aller au-delà de ses promesses ou de ses prémisses, n’aille pas explorer son concept au-delà de la nostalgie et des rumeurs. Je ressors du film après avoir passé un bon moment, soyons honnête, mais avec aussi la sensation que je viens de regarder un extrait du film que j’aurais voulu voir, extrait que j’avais déjà plus ou moins vu dans ma tête.
Cet effet se ressent aussi sur plusieurs aspects de l’intrigue. Tout d’abord, le plus gros défaut du film (que j’avais déjà noté dans Les Éternels, mais qui là m’a vraiment surpris), c’est son rythme. Aussi incroyable (et paradoxal) que cela puisse paraître, le film m’a paru trop long alors qu’il y avait tant de choses à dire. Le premier acte du film, plus court que ce à quoi je me serais attendu, reste bien rythmé et nous plonge directement dans le bain pour nous montrer les conséquences de l’épilogue du précédent film. Mais une fois qu’on a fini avec le sortilège de Strange, le film s’installe dans un rythme alternatif avec des scènes expédiées et d’autres qui s’éternisent à n’en plus finir. Cela s’applique aussi bien aux scènes d’action, qu’aux scènes plus personnelles/intimistes ou même aux doses d’humour.
Notamment, le second acte du film est un véritable ventre mou qui n’arrive pas très bien à doser ce qu’il essaye de faire. L’idée de ramener plusieurs antagonistes des films précédents étaient à l’origine de toute cette hype, mais on se rend compte au final que l’Homme sable et le Lézard sont pour ainsi dire peu pertinents à l’intrigue. Souvent relégués au second plan, voire pratiquement écartés, ils n’apportent pas de réelle plus-value à l’intrigue. Ce qui est d’ailleurs étonnant, compte tenus que ce sont les deux à avoir survécu dans leurs films respectifs, et Flint Marko avait même eu droit à sa rédemption. Alors certes, ça donne au moins une scène intéressante
(lorsqu’ils échangent sur leurs histoires quand ils sont encore enfermés),
mais le reste du temps, j’ai vraiment eu cette impression qu’ils étaient en trop et que l’intrigue (et les scénaristes) les traînait comme des boulets. D’autant plus, qu’au bout du compte, ils sont cantonnés à leur apparences CGI tout au long du film
(le visage des acteurs n’apparaît que quelques secondes),
ce qui accroit encore plus l’artificialité de leur présence.
Et on retrouve un peu le même schéma sur le dernier acte, avec un rythme pas forcément maîtrisé, auquel s’ajoute un chaos général qui n’aide pas. On sent la volonté de toute l’équipe de rendre ce passage aussi émotionnel que possible,
tant il est fondateur historiquement pour le genre super-héroïque (Days of Future Past avait déjà fait quelque chose de similaire, mais il y avait l’accord tacite que c’était à peu près le même univers).
Pourtant, là encore, certaines scènes s’étirent beaucoup trop, comme si Watts et les scénaristes avaient décidé de laisser place à l’improvisation pour tenter de créer quelques choses de plus organique ; ce qui fonctionne au début, jusqu’à ce qu’ils oublient de couper les scènes.
Ce qui est dommage, parce qu’on se retrouve avec un truc incroyable à l’écran
(les trois Spider-Man de trois univers ensemble, un rêve de gosse),
et pourtant le film parvient à le rendre anodin. Tout se dilue dans un humour qui bouffe la nature épique du film pour ajouter artificiellement
du temps partagé à l’écran (je pense notamment aux scènes sur la Statue de la Liberté, avant le début du climax… elles n’ont rien à faire là, même si elles offrent quelques clins d’œil qui émoustillent les fans que nous sommes),
vu que par la suite les images de synthèses prendront le relai. C’est sans doute ce qui m’a le plus gêné dans ce dernier acte et ce climax, plus encore que les lourdeurs
(parce que les adieux s’étirent aussi beaucoup trop et tombent dans un cliché presque gênant en fait),
les incohérences
(le portail qui reste ouvert 10min sans que personne ne s’en aperçoive ; les arrivées inopinées de Doc Oc ou Strange),
ou bien la conclusion
(où je trouve dommage qu’on abandonne les enjeux pourtant intéressants et originaux du début).
Toutefois, comme je le disais, j’ai aussi bien aimé ce film. J’ai beaucoup aimé ce qu’ils ont essayé de développer avec Peter, revenir un peu aux sources du premier film où il rechigne à tuer et donc
cherche à sauver ses ennemis de leurs propres folies.
Ça lui donne un côté très humain et proche des valeurs qu’on lui attribue ; même si du coup, ça conduit à ce passage que j’ai aussi trouvé très artificiel et mal rythmé où il essaye de sauver les différents vilains en leur fabriquant un remède.
Déjà, la machine de Stark est clairement un mélange pas très subtil entre le MacGuffin et le deus ex machina ;
mais surtout, la scène s’étire alors qu’on sait dès le départ comment ça va se terminer, vu qu’on anticipe
le comportement de Norman, mais surtout que les ambitions de Max sont plutôt évidentes et unidimensionnelles.
C’est dommage, parce que c’était très intéressant du point de vue de Peter et ce que ça apportait au personnage, c’est un point que j’ai beaucoup aimé et qui s’intègre assez naturellement à son arc narratif depuis le début du MCU, sans paraître maladroit ou naïf. L’autre aspect de ce passage, c’est qu’il amène à la seule réelle surprise du film :
la mort de Tante May, qui joue clairement un rôle central dans l’arc de Peter et fondateur pour la suite, parallèle plus qu’évident avec l’oncle Ben.
Mais là aussi, j’ai eu un petit goût amer : on devine très vite qu’on va déboucher dessus quand on réalise que
May n’a jamais eu autant de temps d’écran dans le MCU, ni un rôle aussi crucial dans l’intrigue depuis les films de Raimi. J’ai trouvé ça dommage d’enfin développer ce personnage pour le sacrifier,
c’est un point sur lequel j’aurais voulu être pris à contre-pied. Et une fois de plus, la scène s’étire, s’étire, s’étire
(on a au moins 3 ou 4 plans de son visage après le trépas… on a compris !)
à n’en plus finir.
Au passage, si j’ai trouvé le Lézard et l’Homme-sable superflus pour le film, j’ai adoré les retours du Bouffon vert (dans un design plus proche des comicbooks du coup), Doc Oc et Electro (idem pour le design) ! C’est sans doute le point sur lequel j’ai été le moins déçu du film. Autant Electro semble un peu à part du coup, vu qu’il n’a pas de lien direct avec les deux autres, mais il s’inscrit un peu dans la continuité de son personnage et il a droit à une véritable conclusion de son arc (par contre, est-ce que Feige pourrait arrêter de nous teaser Miles Morales ? on veut le voir !). En revanche, j’ai adoré
la relation entre Norman et Octavius, quelque chose qu’on n’avait pas pu voir dans les films et qui est ici développée, avec cette sorte d’amitié/respect professionnel entre deux grands scientifiques. C’est dommage que ça ne soit pas plus utilisé après la seconde moitié du film, mais c’est vraiment un point que j’ai apprécié : pour le coup, c’était quelque chose que j’espérais voir et qui est allé au-delà de mes attentes.
Un peu moins fan de l’utilisation de Strange, qui ressemble beaucoup lui aussi à un MacGuffin du coup, qu’on écarte quand on en a plus besoin et qui revient par miracle quand il faut conclure. Mais la relation qu’il entretien avec Peter est plutôt intéressante, parce qu’il le traite clairement comme un ado (voire un gamin), et qu’il se laisse abuser par sa propre arrogance lors de la scène dans la dimension miroir. Un peu de la même manière, j’ai pas trop accroché à J. Jonah Jameson que j’ai trouvé trop timide comme critique/satire des nouvelles plateformes de médias, voire presque anecdotique pour l’intrigue. Son caméo dans le précédant fonctionnait en tant que surprise et plot twist ; mais du coup, vu que la révélation de l’identité de Peter Parker est mise de côté dans la deuxième moitié et être abandonnée par la suite, Jameson apparaît presque superflu au bout du compte. J’irai même jusqu’à dire que je le trouve moins incisif et plus timoré que dans les films de Raimi.
Difficile de juger l’apparition succincte de Matt Murdock, même elle fait plaisir sur le coup ; mais qui ne semble pas apporter tant que ça au bout du compte, si ce n’est des promesses (du coup, ça semble un peu artificiel vu que clairement, ça ne va pas au-delà de ce qu’on avait anticipé depuis des mois).
Gros coup de cœur aussi pour le trio entre Peter, MJ et Ned. Autant les précédents films s’ancraient dans une approche teen-movie avec un rôle important donné à la promotion de Peter ; autant ici, on se focalise bien sur les trois ce qui leur donne le temps de développer un lien très fort, sans en laisser un de côté. Ainsi, que ce soit la romance très douce entre Peter et MJ, l’amitié profonde entre Ned et Peter ou bien celle solide entre MJ et Ned ; on y trouve ici un réel équilibre pour le coup. Chacun peut compter sur les deux autres, les trois sont sur un même pied d’égalité ; c’est quelque chose d’assez rare.
Ce qui rend la conclusion aussi émotionnelle (même si les adieux s’étirent beaucoup trop), notamment dans l’épilogue avec les trois qui débutent leurs nouvelles vies. Un peu d’amertume là aussi, dans le sens où que j’ai trouvé dommage que cet équilibre soit là aussi sacrifié, alors que c’est quelque chose qu’on a vraiment besoin de voir plus souvent dans les films. À voir comme ça va se développer (parce que du coup, me demande si la « prophétie » de Ned va se réaliser), d’autant plus qu’avec Peter (enfin) installé à New York dans son studio, on va sans doute avoir une évolution. Et du coup le rôle que Peter va aussi jouer dans cet univers qui l’a oublié et où il était censé jouer un rôle central avec les Avengers.
Et puis bien sûr, ce qu’on attendait tous, qui était pour ainsi dire confirmé depuis des semaines, voire des mois, et la raison pour laquelle tout le monde se masse pour voir ce film : le retour des Spider-Man ! Alors comme je l’ai déjà dit, je trouve un peu dommage le forcing dans le climax vis-à-vis du temps d’écran avec de l’humour/impro pas vraiment maîtrisé, et aussi l’impression qu’à mon sens, ils ne sont pas allés assez loin avec le concept (ou du moins, au-delà de mes attentes). Mais cela n’empêche pas que l’effet nostalgie fonctionne à fond, que lors de l’ouverture des portails et l’apparition des silhouettes, un frisson m’ait parcouru le corps et que j’ai sautillé sur mon fauteuil. Du coup, c’est assez paradoxal, mais j’ai beaucoup aimé l’interaction entre les Peter dans la première moitié du dernier acte, de même que la façon dont ils apprennent et arrivent à travailler ensemble lors du climax.
Bien sûr, il y a là aussi une floppée de clins d’œil à chaque franchises/univers, des petites blagues internes vis-à-vis de la communauté et des mèmes (d’ailleurs, on peut reprocher de ne pas avoir reconstitué LE même, mais bon, vu l’intrigue, il ne s’inscrivait pas vraiment). Mais au-delà de ça, ce que j’ai apprécié, c’est qu’il n’y a pas eu de réelles réécritures des personnages (à la fois Spidey et Peter). Dans le sens où ils ont gardé les avantages ET inconvénients de chacun pour en fin de compte composer leurs personnalités. Que ce soit les raisons pour lesquelles on les critiquait ou les estimait, on les retrouve dès les premières secondes, comme si l’alchimie avec le spectateur ne s’était jamais tarie, comme si on ne les avait jamais vraiment quittés en fait (là où pour les vilains, y’a un petit temps de latence quand même).
Et ce que j’aime avec ce respect du matériel originale, c’est que l’alchimie entre les trois versions fonctionne très bien en peu de temps (comme je le disais, même pour les scènes humour/impro, en coupant un peu avant et mettant un meilleur rythme, ça aurait fonctionné à merveille). Et surtout, les trois sont d’une certaines façon complémentaire et l’approche permet d’illustrer et d’assumer que ce sont trois versions de trois univers différents, et que donc oui, leurs personnalités sont intrinsèquement différentes, et que ce n’est pas un soucis. D’autant plus que Spider-Tobey et Spidey-Andrew ont aussi eu le temps de se développer dans leur propre univers, d’avoir un vécu en plus de ce qu’on a pu voir, ce qui les a amenés à mûrir, à évoluer dans leur propre monde. C’est quelque chose que j’ai beaucoup apprécié, car ça montre que le temps est passé sur eux, ça leur donne une expérience en plus à apprendre à Spidey-Tom qui du coup, doit surmonter son traumatisme, son obstacle.
Je pense notamment à Spidey-Tobey, qui joue un mélange de figure paternelle/tonton/cousin éloigné, qui apporte son soutien et accepte de se remettre en question tout en s’assurant que Spidey-Tom ne trahisse pas ses propres valeurs. Ou alors Spidey-Andrew, clairement dans le rôle du grand-frère cool, qui a la possibilité de se pardonner lui-même (même si on l’avait déjà grillé dans la bande-annonce), mais qui apporte aussi une forme de tempérance dans le groupe et de curiosité. Et puis bien sûr Spidey-Tom qui sert de liant, à la fois en les portant, en prenant même la tête du trio. Bref, j’ai beaucoup aimé d’avoir préservé les personnalités d’origine avec un peu plus de maturité, d’assumer pleinement qu’elles sont différentes, et de réussir à les combiner pour donner quelque chose d’au final assez cohérent.
Au niveau du casting, l’ensemble est plutôt bon. Tom Holland, Zendaya et Jacob Batalon restent fidèles à la partition qu’ils ont déjà montrée jusqu’à là, et on sent vraiment la complicité et l’alchimie entre les trois, plus encore que dans les films précédents. Benedict Cumberbatch ne se foule pas trop non plus, avec certaines mimiques toujours au poil. Marisa Tomei a un peu plus de matériel à se mettre sous la dent. Jamie Foxx semble très content de reprendre son personnage et de pouvoir avoir une vrai conclusion à son arc narratif.
On sent la même chose d’ailleurs avec Andrew Garfield, presque extatique dans certaines scènes.
Un peu dans le même style, Tobey Maguire semble tout aussi content de faire partie du truc, mais on sent aussi cette plus grande maturité aussi.
Alfred Molina est content d’être de retour, mais il m’a paru moins magistral que dans son précédent film. J.K. Simmons est un peu à l’image de son personnage, même s’il y met toujours autant d’énergie. En revanche, je tire mon chapeau et confesse mon plus grand respect pour Willem Dafoe, qui vole pratiquement la vedette dans chacune de ses scènes : que ce soit pour Norman ou le Bouffon Vert, on le sent toujours aussi à fond et habité dans ses rôles.
Sur l’aspect technique, le film s’inscrit dans la lignée des films du MCU, même si pour le coup, il ne m’a pas tant impressionné que ça. On retrouve le thème de Giacchino, toujours aussi entraînant, mais j’ai trouvé le reste très timide. En revanche, j’ai énormément apprécié la réutilisation des thèmes des précédents films à l’apparition de certains personnages,
et surtout la combinaison des trois thèmes principaux lors de LA scène où les trois Spidey se présentent ensemble sur la Statue.
Niveau décors, pas grand-chose à redire (même si je reste assez dubitatif sur l’histoire autour de la Statue de la Liberté, ça m’a paru extrêmement maladroit et pas terrible pour le coup), tout comme pour les effets spéciaux plutôt bons dans l’ensemble. Un peu déçu par la mise en scène par contre, qui m’a parue très classique en dehors de quelques plans
(le plan des trois Spidey donc, iconique à souhait, les scènes entre Peter et MJ, la séquence dans la dimension miroir),
mais bon les précédents aussi n’avaient eu que quelques fulgurances.
Bref, No Way Home est un film frustrant. Même si je l’ai bien aimé, qu’il est sans doute dans le premier tiers (la première moitié sûre) du MCU ; à l’image de Civil War ou de Black Panther (que je situe à peu près au même niveau), je suis resté sur ma faim, il lui manque un petit quelque chose pou vraiment aller au-delà de mes attentes et pouvoir m’extasier complètement. J’y reviendrai sans doute, ne serait-ce que pour le côté nostalgie qu’il procure mais aussi pour la concrétisation historique du concept. Mais voilà, pas une réelle déception, mais un petit goût amer de frustration parce que j’en attendais plus, parce que j’espérais qu’ils aillent au-delà de l’idée même plutôt que de se reposer uniquement dessus. Ajoutons à cela un rythme pas franchement maîtrisé qui créent des longueurs, ou tout au moins des lourdeurs, et on se retrouve un peu avec ce plat qu’on nous annonçait dantesque et qui se révèle presque quelconque parce qu’on l’a déjà goûté soi-même.