Je me souviens de ce jour de juin 2010, quand je suis sorti de la salle de cinéma que je fréquente toujours aujourd'hui.
Je me souviens surtout de mon enthousiasme, procuré par un film de créature riche, malsain et sensible. Mis en scène par un canadien qui avait fait son petit effet, il y a longtemps, avec une oeuvre maligne et confinée en forme de huis-clos mathématique. Son nouveau long-métrage avait quelque chose de magique, de sans concession qui avait réussi à parler à mon âme, jusqu'à en faire mon véritable coup de coeur de 2010 et me pousser à le revoir seulement quelques jours plus tard.
Voir aujourd'hui sa moyenne assez piteuse sur le site m'attriste, avant de me mettre en colère. Parce qu'elle me fait sentir à la marge, en contradiction avec l'avis plus que mitigé du plus grand nombre. Même la moyenne des notes de mes éclaireurs ne le fait remonter que de quelques dixièmes...
Une rediffusion s'impose donc, histoire de me refaire un avis définitif, mais surtout de défendre ce Splice en forme de réussite terrassante, au cours de laquelle un coeur bat, fort, intense. Un film au cours duquel l'empathie se crée pour longtemps pour une créature otage des égos et des désirs, qui n'a pas choisi de venir au monde.
Splice dépasse en effet sa condition de simple film de monstre en faisant de celui-ci le révélateur des failles du couple formé par ses parents scientifiques. Entre un boulot dont ils sont dépossédés, une envie de se prendre pour dieu et une parentalité réprimée, Dren devient dès lors le symbole de tout ce qui ne va pas entre eux, de tout ce que lui cède à elle, de tout ce qu'elle regrettera par la suite avant d'appeler à l'aide.
Le tour de force de Splice résidera dès lors moins dans l'apparition de son monstre que dans le changement constant de perspectives et des relations entre ces trois là. Car l'empathie naît d'abord du côté de ce couple, freiné dans ses travaux alors qu'il ambitionne de brûler les étapes et de marquer l'histoire de la science. Or, cette rencontre virant à l'affrontement sanglant entre deux êtres semi-organiques ne fait que préfigurer la triste issue de leur parentalité.
Alors même que l'émotion naît, même si les premières heures de vie de la créature sont déjà marquées par la soumission et l'intérêt, l'inquiétude et le désir de mort. La créature grandit, magnifique papillon alors qu'au départ elle n'était que chenille. Tour à tour magnétique, pathétique, troublante, belle et inquiétante, le spectateur ne cesse d'être déstabilisé, se raccrochant à un corps terriblement humain sans l'être tout à fait, ou encore aux yeux remplis de sentiments contradictoires d'une Delphine Chanéac surprenante de conviction.
La créature grandit, comme l'adolescente qui se montre turbulente, taciturne et violente dans ce qu'elle ressent. Le contrôle devient de plus en plus précaire. Si Splice questionne la science et ses dérapages, il prend avant tout comme sujet d'étude les relations humaines et sentimentales qui l'animent, en forme de cercle vicieux et de répétition des situations, prenant pour nouvelle victimes ceux qui avaient autrefois l'ascendant.
Le tout dans un aspect malsain de plus en plus prononcé, de plus en plus noir et sans retour. Il y est aussi question de transmission, tant d'A.D.N. que de traumas d'enfance qu'un retour sur les lieux de la souffrance, dans une ferme délabrée, ne fait que précipiter, tel un catalyseur d'une catastrophe inévitable.
Cette nouvelle vision de Splice, cet après midi, m'a permis de renouer avec les mêmes sentiments que ceux éprouvés à la sortie du cinéma en juin 2010 : l'inconfort devant certaines scènes troublantes, emporté par la richesse du propos, enthousiasmé tant par la magie clinique de l'oeuvre que par la beauté de sa créature plus qu'humaine dépassant sa condition d'expérience scientifique.
Loin de l'accueil froid et hautain qui lui est réservé ici.
Behind_♪ Maman a tort ♫_the_Mask.