Split est le douzième long-métrage de M. Night Shyamalan, et à ce titre sa sortie s'accompagne de la même question qui revient à chaque fois : est-ce le film de la repentance, du retour, pour le réalisateur ? Le maître a tant brillé à ses débuts (Sixième Sens, Incassable), puis tant déçu par la suite (After Earth), que les avis sont extrêmement polarisés et les attentes généralement hautes.
Split y répond il ? La réponse nécessite de tout spoiler, soyez prévenus.
Thriller anxiogène lorgnant timidement vers l'horreur, Split se regarde parfaitement, avec cette étrange fascination que peuvent générer à la fois son univers et son atmosphère torturés, ainsi que la performance de James McAvoy, qui s'amuse et effraie dans ce rôle où on ne l'attendait pas. Mais qui dit, Shyamalan, dit twist, retournement d'intrigue. Dans Split, celui-ci prend la forme étonnante d'une scène post-générique, où Bruce Willis apparaît sous les traits de son personnage de super-héros de Incassable. Split est donc un spin-off de Incassable, et une introduction à un futur et déjà annoncé Incassable 2, dans lequel Bruce affrontera vraisemblablement McAvoy.
Qu'en penser ? Dans un univers hollywoodien où règnent les licences étendues (Marvel, DC, Universal), Shyamalan tente son propre univers de super-héros, en l'introduisant dans un film qui n'est définitivement pas un film de super-héros. Ce pied-de-nez, qui prouve qu'on peut changer de recettes et faire du neuf sur le thème super-héroïque, est salutaire. Et on attend déjà avec excitation Incassable 2, cela va de soi. Mais ce twist n'est-il au final qu'une pirouette pour donner envie de voir la suite ? Auquel cas, il serait décevant, un twist ayant pour fonction de changer les règles du film lui-même, et donc sa saveur (Fight Club n'est plus le même film une fois qu'on connaît la vérité). Avec ou sans cette scène de fin, Split reste quant à lui le même film. D'où, sans doute, ce sentiment d'incomplétude qui reste à la fin du visionnage : sans cette fin, Split est un bon thriller, certes ; immersif, sans aucun doute ; mais assez linéaire, peu surprenant, en fin de compte.
C'est là où je pense que Shyamalan s'est retrouvé piéger à son propre jeu, et dans ses propres codes. On attend d'un Shyamalan un twist en fin de film, et on l'attend dans Split jusqu'au bout, alors que rien ne vient. Cette attente n'est pas seulement conditionnée par ce que l'on croit deviner de Shyamalan eu égard à sa carrière, mais également par le scénario lui-même. Les scènes de flashbacks de Casey induisent une importance future dans le récit, une révélation majeure : or elles ne servent qu'à révéler que le personnage lui aussi est torturé, ce qui est très poussif, puisqu'on le devine dés les premières scènes, de par son comportement. Bref, ses flashbacks sont totalement inutiles. Dés lors, deux possibilités, soit cela n'est pas fait exprès et auquel cas c'est un raté ; soit Shyamalan a tenté de nous donner des fausses pistes pour nous frustrer, en jouant sur les ficelles qu'il connaît par cœur. Reste, dans les deux cas, que le film laisse sur sa faim : en une sorte d'anti-twist, la surprise, c'est qu'il n'y a pas de surprise ; le twist, c'est qu'il n'y a pas de twist.