Rahhhhhh ... j'aurais tellement voulu l'apprécier encore plus que ça ! Alors oui, c'est bien le grand retour en forme de M. Night Shyamalan, Split étant son meilleur film depuis très longtemps ... depuis Incassable, en fait ! Alors oui, il coche toutes les cases du très bon thriller psychologique. Alors oui, James McAvoy est hallucinant.
Et pourtant, M. Night Shyamalan a malgré tout raté le coche, ou tout du moins effectue un retour à moitié gagnant (selon moi). Split est un très bon thriller, bien mis en scène, bien écrit, bien interprété ... mais tout simplement pas aussi emballant ni à la hauteur de mes espérances. Par contre, si on ne peut rien retirer au film, c'est bien la performance d'acteur de James McAvoy, qui porte littéralement le film sur ses épaules.
Trois adolescentes sont enlevées par Kévin (James McAvoy), un homme atteint d'un trouble dissociatif de l’identité, se manifestant par 23 identités qui prennent le contrôle de sa personnalité (personnalité multiple). Et puis il y a une 24ème identité cachée, qui risque de déséquilibrer l'ordre établi ... mais je n'en dirais pas, pour préserver l'effet de surprise. Et puis, comme vous le savez généralement avec M. Night Shyamalan ... moins on en sait sur le film, mieux c'est !
C'est là le principal intérêt de Split, dans l'interprétation de James McAvoy. Il arrive à alterner avec le plus grand naturel du monde, parmi les différents personnages enfermés dans la tête de Kévin, passant d’un homme méthodique avec une manie de la propreté, à un enfant de neuf ans avec un zozotement ... et même une femme très chic et élégante (et qui plus est, ravissante). Il est intéressant de noter comment M. Night Shyamalan utilise le cadrage, les gros plan et le jeu de miroirs, pour montrer la transition entre les différentes facettes de Kevin et pour renforcer l'impression de folie.
Avec Split, M. Night Shyamalan retourne aux sources de son cinéma et reprend les thèmes du surnaturelle qui ont construit sa légende. La bonne surprise du film, c'est la volonté de sa part de concrétiser enfin son envie de créer une franchise. Comme vous le savez forcément maintenant, Split est la suite, 16 ans après, d'Incassable et sera suivi, 2 ans plus tard, par Glass, pour former sa trilogie sur les super-héros.
Pour le reste, Split est très efficace dans sa gestion des attentes du spectateur. Il y a un souci évident de construire un scénario qui joue à la fois sur la tension et la terreur, bien que l'aspect horrifique soit très amoindri et arrive très tard dans le film. A mon avis, il aurait fallu introduire un peu plus d'horreur plus tôt dans le film, pour accentuer encore plus la tension ressentie par le spectateur. Cependant, comme d’autres films de M. Night Shyamalan (Le Sixième Sens et Le Village), l’intention est précisément de faire comprendre que "le diable est dans les détails", encore faut-il être attentif au moindre détail. Peut-être aurait-il été plus efficace d'y aller plus bas du front et faire ressentir le danger par une scène choc plus tôt dans le film. M. Night Shyamalan n'ose pas aller aussi loin dans l'horreur ou peut-être est-ce tout simplement la conséquence de vouloir rentrer la classification PG13 ?
Le film se concentre clairement sur le jeu d’acteur de James McAvoy. Il ne joue pas les 23 personnalités dans le film, seulement quelques-unes, mais il arrive à les rendre toutes uniques et clairement identifiables. Le jeu de James McAvoy repose principalement sur des postures physiques, des expressions du visage et des accents, pour établir sa personnalité multiple. Il y a un moment particulier où l’une des identités tente de passer pour une autre et c'est avec un léger changement d'expression de son visage, que l’acteur parvient à nous faire ressentir le basculement. Alors certes, beaucoup de ces identités finissent par ressembler à des caricatures d'elles-mêmes (l’enfant de 9 ans et son zozotement ou le styliste gay et maniéré), mais c’est facilement pardonnable vu la difficulté de la tâche pour l'acteur.
Anya Taylor-Joy est l'autre bonne surprise du film avec James McAvoy. Elle joue Casey, l’une des trois filles kidnappées par Kévin, qui est en proie à un passé douloureux et dont elle n'arrive pas à se détacher. Elle se donne corps et âme pour dépeindre les traumatismes de son personnage. On ressent à la fois une très grande fragilité psychologique chez elle, mais aussi une force intérieure qui ne demande qu'à s'extérioriser. Pour rajouter de la profondeur au personnage, M. Night Shyamalan a décidé d’introduire des flashbacks sur son enfance, montrant qu'elle a été abusée par son oncle. Cette sous-intrigue sert exclusivement à ce que Casey passe par un dépassement de soi et parvienne finalement à faire face à l'adversité ...
non seulement elle doit affronter la bête (la 24ème identité), mais aussi l'autre monstre de sa vie (son oncle). Le film se termine sur une fin ouverte, nous ne savons pas si elle rentre chez elle avec son oncle ou non ?
Moins compréhensible, est la tendance de M. Night Shyamalan à transformer certaines des identités de Kévin en grosses blagues. Cette tentative d'introduire un peu d'humour, amoindrie une grande part de la tension du film, même si je dois l'avouer, c'est assez jubilatoire de voir James McAvoy interpréter un enfant de 9 ans avec toute l'innocence qui va avec (son zozotement est peut-être de trop). Pour aggraver son cas, le scénario de Split est tout simplement incohérent. Le film démarre sur un ton conspirationniste, nous faisant croire qu'il y a un secret bien gardé entre Barry / Dennis / Patricia (James McAvoy / James McAvoy / James McAvoy) et le Dr Karen Fletcher (Betty Buckley), mais qui, en réalité, n’est qu’un effort sournois pour brouiller les pistes.
De plus, le Dr Karen Fletcher se révèle être l’une des professionnelles les plus incompétentes du monde, se livrant à des théories fumeuses d'un point de vue scientifique. À certains moments, ça en devient tellement ridicule, comme lorsqu'elle observe Kévin ne pas contourner une poubelle renversée au bas de chez elle, elle déclare alors, comme le ferait Columbo, dixit : "n’importe qui aurait contourné la poubelle renversée". A l'exception d'un détail prés, on pourrait supprimer le personnage du scénario que ça ne changerait rien au film ...
à l'exception donc de l'instruction donnée à Casey avant de mourir. Le Dr Fletcher écrit sur une feuille, le nom complet de Kevin (Kevin Wendell Crumb), sachant que le réveil de sa personnalité originelle suffira à le maîtriser.
Mais peut-être que le plus gros défaut de Split, c'est le cynisme affiché par M. Night Shyamalan. L'introduction de flashbacks tout au long du film a pour seule fonction, de préparer le terrain pour la révélation finale ...
à savoir que Casey, enfant, a été agressée par son oncle. Et pourquoi est-ce si important ? Parce que les marques laissées sur son corps, qui seront visibles après le retrait de son dernier chemisier (oui, elle enlève ses vêtements tout au long du film), amènent le méchant à la considérer comme une "égale" et de ce fait, il l'épargne. Mais que devons-nous en déduire ? Que c'est ce qui la sauve, d'avoir été maltraitée ? Ou qu'elle est l'égale de Kévin et donc autant "endommagée" que lui ?
Quand Split est sorti au cinéma, j’hésitais à le voir parce que, depuis bien longtemps, j'avais perdu tout espoir en M. Night Shyamalan. Mais voilà, j’aime tellement le M. Night Shyamalan de se ses débuts (Sixième Sens et Incassable) que j'ai décidé de lui donner une dernière et ultime chance avec Split ... et je ne le regrette pas. Sans atteindre les sommets de ses débuts, Split est un très bon thriller psychologique mâtiné d'horreur. C’est plutôt bien écrit et surtout très bien mis en scène. Si vous aimez les premiers films de M. Night Shyamalan, vous apprécierez certainement celui-ci aussi ... mais ne vous attendez pas au chef d'œuvre pour autant !