Comme l’ont martelé ses bandes-annonces, "Split" repose sur un effet spécial surpuissant, un "James McAvoy" déchaîné dans le rôle de Kevin, victime de dissociation d’identité - ce que les scénaristes du temps jadis appelaient un peu grossièrement un schizophrène - et c’est là une de ses belles réussites. On suit avec un réel plaisir la formidable leçon de cabotinage donnée simultanément par le personnage et l’acteur alors que l’inquiétant Kevin enlève trois jeunes filles, destinées à nourrir physiquement et symboliquement une nouvelle personnalité sur le point d’advenir.
"Split" est truffé de scènes découpées à la perfection (l’enlèvement des héroïnes, véritable traité de placement de la caméra), et parvient souvent à redynamiser des pans entiers de son récit, menacés par la paresse parfois navrante du scénario, par la simple grâce de son montage ou de la dynamique interne de ses images (vous vous souviendrez longtemps de la choré d’Hedwig^^).
La différence dans "Split" - et ce n'est pas un spoiler – c'est que son protagoniste a bien conscience du surnaturel prêt à jaillir en lui – de lui – à l'écoute de ses multiples personnalités. Le héros incarné par "James McAvoy" (qui s'en sort avec brio – et on imagine le massacre qu'aurait pu donner un tel rôle avec un autre acteur) est un personnage shyamalanien en diable, tout en étant en quelque sorte son envers.
Ici la construction minutieuse de "Split" : par la forme (certaines séquences, par leur montage et leur tension, sont assez magistrales) et par le récit qui égrene ses indices tout en restant imprévisible et conservant sa part de mystère. La musique gronde (grogne?) et quelque chose se trame.
Sur le conte, sur la foi, sur la persuasion, sur la pureté, sur le surgissement du surnaturel, sur la façon dont il est imposé par le réel – tout ce qui rend son cinéma précieux. « Croyez-vous vraiment ces histoires ? », demande t-on. Avec un tel talent, on est prêt à tout croire.