Les premières images sont éloquentes. Thomas Mc Carty va mettre de côté toute la grandiloquence que pourrait amener à traiter un sujet aussi terrible que les viols d'enfants pour privilégier une réalisation dépouillée et habitée qui va nous fondre au coeur du décor. Des lampes de bureau à la lumière tamisée, des tables croulant sous les dossiers aux carnets froissés et stylos aiguisés, le réalisateur met un soin essentiel à nous faire participer à l'enquête, à nous intégrer au sein de cette équipe de journalistes pour donner un courage nécessaire devant les faits et leurs évolutions mais aussi des témoignages.
Ceux-ci sont d'ailleurs poignants et évitent tout sensationnalisme mal convenu qui pourait détourner la direction très méritoire du film. Certaines victimes utilisent quelques fois l'humour pour masquer leur traumatisme, d'autres peinent toujours à sortir des mots. La révolte et la peur se nouent alors à la soif de justice des enquêteurs, dont la passion de leur métier et l'empathie pour les victimes l'emportent sur l'effort physique, psychologique et mental de leurs situations face à une telle découverte. Le casting est particulièrement remarquable puisqu'il n'est jamais mis en lumière et arrive malgré tout à nous impressionner, tout comme les musiques minimalistes qui évitent toute théâtralisation.
Spotlight réussit également par le biais de son enquête à pointer deux choses essentielles : l'intense lobbying de l'Eglise au sein des institutions de l'Etat à travers l'existence d'un réseau pédophile qui bénificie de protections au sein des instances clés de la justice et les degrés d'influence de l'Eglise selon la hiérarchie sociale dans une ville de Boston particulièrement appauvrie. Le sujet, qui est une véritable pandémie psychiatrique, est tragique mais toute l'équipe du film s'est appliquée avec la plus grande sagesse sur la précision et la clinique de ses propos ce qui donne un film d'une aura cinématographique extraordinaire et un hommage à la liberté de la presse particulièrement bienvenu.