« Some kids, they want to grow up, be president, some kids want to be a doctor, you know? I just wanna be bad…They kick me out of school, I thought that was great! Shit, that was the best thing in the world! How about making money?” Cette petite pensée, on la doit à Alien, le gangster gangsta du nouveau film d’Harmony Korine, “Spring Breakers”. Autant le dire tout suite, ce film est sublime. Et même bien plus ; Spring Breakers représente à merveille son époque, de telle façon que dans cinquante ans, quand les gens voudront savoir comment leurs ancêtres vivaient dans les années 2010, ils regarderont « Spring Breakers ».

Ca raconte quoi ? Quatre filles décident de braquer un restaurant pour pouvoir partir en Spring Breaks, une semaine de vacances où les étudiants américains font la fête et abusent de drogues, alcools, sexe,…Arrêtées suite à une fête cocaïnée, elles sont sorties de prison par un gangster nommé Alien qui va les prendre sous son aile.
Le temps d’un film, Korine a su capter toute la vulgarité de son époque pour en tirer quelque chose d’hyper cinématographique, une sorte de manifeste théorique fascinant d’où fourmille mille idées de cinéma.

Aujourd’hui, la seule passion qui existe, la seule qui soit véritablement viable, c’est celle de l’argent. J’envisage la passion comme attirance vers quelque chose ; l’objet de la passion va occuper l’esprit de l’individu. De ce constat, ne naît aucune rage marxiste ouhmaisl’argentc’estvraimentpasbien. Le fait est qu’il est la seule donnée qui importe, que les enfants, adolescents sont éduqués dans cet amour de l’argent et qu’il représente la seule façon de s’en sortir, pour exister et se faire une place dans le monde d’aujourd’hui. En cela, il rend l’époque dans laquelle nous vivons, vulgaire. On ne parle pas de vulgarité du langage mais celle du comportement, de la pratique sociale ; dans Spring Breakers, cela est révélateur avec la scène où James Franco montre sa maison aux quatre héroïnes : il leur montre sa collection d’armes, met deux parfums de luxe pour « sentir bon » et jette des liasses de billets en l’air. Tout au long du film, il va représenter la réussite, la considération sociale et en même temps, ce que les filles ne pourront jamais obtenir.

A ce titre, le film est très triste. Je trouve d’ailleurs les critiques assez dures. L’esthétique du film est laide mais le film pensé comme expliqué au-dessus, il n’y a aucune facilité ou de message « mon film est moche mais c’est parce que le monde l’est ». De cet aspect formel, va naître une véritable émotion, puisque la forme va pouvoir appuyer sur l'affect du spectateur vis-à-vis de l'histoire et des personnages. On raconte par impressions, tout en ne délaissant jamais les personnages. Désireuses de changer de vie et d’exister dans le regard des autres, de découvrir quelque chose qui les motivera enfin et de trouver une certaine raison d’être, toutes ces motivations, ces obsessions sont traduises par cette forme, une nouvelle fois puisque Korine a compris depuis longtemps que l’art se doit d’être un miroir de la réalité et que seul un film réfléchi et un minimum théorique saura s’approcher un peu plus de la Beauté.

Ah oui, James Franco est immense et je retire tout ce que j’ai pu dire sur lui. Mieux employé et par de bons réalisateurs, ce mec pourrait devenir l’un des meilleurs acteurs de sa génération.
Vous l’aurez compris, Spring Breakers m’a sincèrement ému. En ne partageant pas cette passion de l’argent, les quatre filles se retrouvent marginalisées. Car la réalité fait peur, l’avenir est tellement morose, qu’en recherchant à tout prix la cristallisation de cette semaine de vacances, afin que celle-ci dure pour toujours, les héroïnes échouent à atteindre cet objectif, ne deviendront pas ces êtres de l’instant qu’elles voulaient être et le film du coup se termine sur un constat terrible, celui d’une jeunesse perdue dans les méandres d’une époque qui n’est définitivement pas faite pour elle.
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le 6 juin 2013

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