Spring Breakers était bien intriguant par sa tendance à diviser l'ensemble de son public. D'un côté on peut aisément le comprendre puisque son affiche, son casting de stars adolescentes et son thème même du Spring Break semblaient destinés à attirer en masse un public cherchant le nouveau Projet X. Ceux-ci se sont fait avoir, n'obtenant pas du tout le film qu'on le leur avait promis. En revanche ce qui était plus étonnant c'était que le public prévenu en sorte tout aussi partagé. Mais que réserve donc ce film ?
C'est désireux de me faire un avis sur ce qui semble être un bel OVNI que j'ai lancé le film à mon tour.

J'ai vécu Spring Breakers comme un véritable trip, un film halluciné et hallucinant. La réalisation du film m'a rapidement happé, ses couleurs, ses lumières, son montage éclaté, ses voix off et l'ambiance qui s'en dégage m'ont transporté. Pendant quelques temps, j'ai été avec ces quatre demoiselles ne demandant qu'à partir en Spring Break, je n'étais pas drogué mais pourtant je planais avec elles dans cet univers irréaliste. Non pas que je désirais être avec elles, mais simplement que le film a réussi à m'hypnotiser.

Le Spring Break y est très bien montré. Ici, pas de critique ouverte mais un simple étalage de cette pratique. Les fêtes y sont "basiques" (alcool, drogue, filles, mecs, et tout et tout), il n'y a pas de drame, de crimes ou que sais-je, et pourtant... Pourtant, le travail sur le son, sur les lumières, et sur le montage éparpillé contribuent à rendre l'ensemble dérangeant, malsain, comme la version cauchemardesque du beau rêve de ces adolescents. Une version qu'ils ne semblent pas voir.
C'est ça qui m'a hypnotisé, plongé dans le film, à travers les réflexions des adolescentes insouciantes méditant sur leur vie, leur futur, leur identité.

Et c'est là que je trouve le film réellement pertinent, dans sa vision de la crise identitaire de ces adolescentes, conditionnées par les images MTV, conditionnées par la réputation du Spring Break, mais conditionnées aussi par l'amour de Djizeus (Jesus) propre à l'Amérique, conditionnées par le fantasme de l'arme à feu, qui se trouvent ici dans un questionnement constant. Ici, c'est le personnage de Faith qui m'a beaucoup plu, porté par une Selena Gomez très étonnante, et pourtant juste. Ses réflexions, ses appels à sa grand-mère, son petit regard perdu, comme étant avec les autres mais sans y être, en se mettant en tête que " oui c'est ça ma vie, ouaaaaw ", tout cela m'a beaucoup plu. Cela fait d'elle la seule personnage humaine de ce film, celle à laquelle on s'attache et que l'on comprend. Et en cela, je l'ai beaucoup appréciée.

C'est enfoncer des portes ouvertes que de dire que le Spring Break c'est légèrement abusé, et que les jeunes qui s'y adonnent abusent légèrement, et faire un film pour dire que tout ça c'est mal n'aurait pas vraiment de sens. Le sens pour moi est à trouver dans ce conditionnement et cette réflexion identitaire.
Pourtant, il ne faut pas non plus prendre Spring Breakers pour un film porteur d'un message, car il n'en est pas un. C'est un voyage hypnotique dans cet univers, où plus l'on avance plus la folie croît et où l'ensemble devient de plus en plus malsain... et pourtant de plus en plus fascinant. La scène du braquage et toutes celles qui y seront liées sont vraiment bien faites et très marquantes je trouve. De plus James Franco en gansta est assez jubilatoire et effrayant. Une scène en particulier avec lui m'a mis sur le cul.

Malheureusement, ce film qui partait très bien s'auto-désamorce petit à petit. Déjà, dès que Faith n'est plus de la fête la dimension identitaire du film disparaît. Pire encore par la suite, le film s'enlise dans des clichés sur les gansters et des scènes pas très bien foutues avec des dialogues très faibles (entre Franco et l'autre gansta) où aucun enjeux n'entreront en considération. Si l'absence d'enjeu était très bien faite dans la première partie du film où il s'agit simplement de faire la fête et de faire n'importe quoi, dès qu'on entre dans la partie gangster du film ça devient bien moins justifié et on ne sait plus vraiment pourquoi on nous montre tout ça.

Néanmoins, c'était quand même plaisant à suivre, même si les trois demoiselles restantes sont très peu intéressantes, n'étant que des surfaces, des borderlines folles et prêtes à tout. Rien d'intéressant car impossible de s'attacher à ces personnages sans but et trop exagérées pour être crédibles.
La fin du film forme d'ailleurs un immense n'importe quoi, l'apothéose du ridicule selon moi, une séquence absolument pas crédible, stupide, sans intérêt, et tombant dans le mauvais côté de la réflexion identitaire que j'évoquais plus tôt pour juste faire n'importe quoi. Un gros gros ratage. Je suis très déçu.

Imparfait, ce film l'est certainement. Par exemple, certains choix dans la réalisation sont vraiment douteux. Répéter cinquante fois la même phrase en voix off est un processus marrant au début, mais à la fin du film c'est carrément pompeux, surtout dans les passages où le film n'avance pas. La caméra portée est parfois mal géré, tremblant parfois un peu trop, ce qui est assez gênant à certaines moments.

Pourtant, ce film n'est pas inintéressant. Son côté hypnotique, sa réalisation étonnante, son montage m'ont beaucoup plu, même si je comprends parfaitement que tout le monde n'y accroche pas. Pour tout ce que j'ai énoncé plus haut, Spring Breakers est un film que je recommande pour que chacun se fasse son avis. C'est un trip malsain, parfois glauque, montrant une adolescence en plein questionnement.
Malheureusement, on ne pourra rester qu'attristés devant tant de potentiel gâché. Mieux géré, mieux écrit, Spring Breakers aurait pu être un "La Fureur de Vivre" sur la génération Y. En état, il en est loin, très loin, bien trop loin. On ne peut qu'être déçu en voyant que le film ne va pas au bout de ce qu'il propose, qu'il ne va pas assez loin dans la déchéance et qu'il se contente un peu trop de filmer des filles dénudés. Le film aurait pu être choquant, aurait pu nous interpeller, mais quand il tente d'aller dans la violence il se rate complètement en étant incroyablement stupide. De même, quand il tente d'apporter de la réflexion, il n'en reste qu'aux prémices.

Mais en l'état, c'est un trip, un voyage, une hypnose qui m'aura bien plu. Malsain mais pas trop, Spring Breakers est un film étrange que j'ai aimé, qui m'a fasciné pendant les 2/3, mais qui aurait pu être tellement, tellement plus marquant. Une bien dommage déception.
GagReathle
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le 2 févr. 2014

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