Au travers d'un duo d'interprétation du personnage de Desdémone d' "Othello", Claire Danes et Billy Crudup tombent les masques dans un face à face lumineux : une valse sensuelle et fiévreuse comme un tango, déchirante et funeste comme un duel...
Stage Beauty s'ouvre sur une ambiguïté, le portrait d'une beauté androgyne qui questionne le spectateur tout en interrogeant son propre regard. À la fois proche et lointain, son mystère attire et séduit mais sa froideur nous questionne : "qui suis-je ?" semble-t-elle nous demander.
Son apparente féminité, sa robe, sa coiffure, ses bijoux, tentent de cacher des traits durs et anguleux, dits "masculins", mais seul, perce un regard humain, brillant, mais grave.
C'est à partir de ce paradoxe du tragédien, qui se vit et s'épanouit à travers son personnage et l'amour du public, mais qui ne sait quel rôle endosser une fois le rideau baissé, que s'articulent les questionnements, doutes, malheurs et découvertes de Kynaston, cet acteur (qui se croyait) né pour jouer des rôles de femmes.
Le film nous dévoile une mise en abîme, superbe et progressive, du théâtre dans le théâtre avec l'incarnation de Desdémone, épouse virginale et dévouée d'Othello, qui se verra sacrifiée sur l'autel de l'égocentrisme dévorant du héros, rendu fou par sa jalousie destructrice.
À l'écran, le spectateur et les personnages sont saisis par le miroitement des multiples facettes de Claire et Billy (acteurs), Marie et Kynaston (comédiens) et de leurs (Des)démon(e)s intérieur(e)s.
Cette rencontre passionnelle permettra au talentueux tandem de creuser la question de leur propre identité en abordant notamment celle des genres dans le couple et dans la société.
En effet, si les jeux de mots ou attitudes salaces voire obscènes peuvent sembler futiles dans un premier temps, la place du sexe en tant que jeu de pouvoir interchangeable (le roi et sa maîtresse, Marie et Kynaston, la fascination/l'humiliation de Kynaston sur scène et hors scène), vecteur d'attraction et de répulsion (courtisanes, prostituées, homosexualité cachée puis condamnée...) prend tout son sens dans la découverte de soi, des sens et de son rapport à l'autre, thème central du film.
Il s'agit ici d'un véritable exercice de style dans la langue de Shakespeare qui nous parle de sujets plus que d'actualité au XXIème siècle (le film date de 2003, le mariage gay a été voté en 2014).
Le scénario, les dialogues et la présence des acteurs creusent au-delà du miroir des apparences, une plongée dans les méandres de l'être et du paraître qui ne laissera pas indifférent.