Ecrits retrouvés en 2014 à la frontière de la Russie et du Kazakhstan – Anonyme
« Une éternité... »
Telles sont les dernières paroles du Stalker dont je me souviens.
Le Stalker, cet être vide et indescriptible qui doit me conduire dans la zone. Je lui avais demandé depuis combien de temps il n’y était pas allé.
La zone...Cet endroit mystique et inaccessible… Je vais enfin avoir la chance de m’y rendre, moi qui ai tant entendu à son propos.
[Je ne sais pas si mes écrits seront lus. Par qui ? A quelle époque ? Sachez juste que cette fameuse zone est, je pense, le seul lieu réellement enviable sur notre Terre. Nos vœux les plus chers y sont exaucés. ]
J’ai pu, par un fabuleux hasard, croiser la route du Stalker – Je ne connais pas son vrai nom – et il m’a fait tant de promesses… Si vous me connaissiez, si vous aviez vécu à mon époque, vous qui me lisez, vous auriez tout fait pour prendre ma place.
J’ai rendez-vous avec lui demain. Il ne m’a pas donné de consignes particulières ; je vais prendre un sac et un manteau. Un lieu si peu souvent exploré ne peut qu’être froid.
La nuit tombe désormais.
Au matin, nous partirons.
Demain, j’irais dans la zone...
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Je sens une chaleur sur mon visage.
Le reflet du soleil sur mon miroir.
Il est l’heure.
Je suis seul. Je n’ai personne à qui devoir expliquer où je vais partir aujourd’hui. Pas d’excuses à donner. Heureusement : personne ne doit savoir.
Je me lève, et je pars.
Je n’ai pas à marcher longtemps, j’aperçois déjà le lieu de rendez-vous.
Sinistre est le son que j’entends lorsque j’en ouvre la porte.
Plus doux, celui de l’homme, qui derrière moi m’appelle.
C’est lui. Le Stalker. Nous pouvons partir.
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Je me trouve à présent sur des rails, celles qui vont m’emmener dans le lieu sacré. Je viens déjà d’aborder la haine des hommes : une armée a voulu nous barrer la route. Je suis content d’être avec le Stalker. Il est maintenant évident que ce n’est pas la première fois qu’il fait ce voyage.
Le rythme du chariot sur lequel nous nous trouvons me berce, je sens le sommeil naître en moi.
Soudain, immobile, je me réveille. J’ouvre les yeux, et pour la première fois, je vois des couleurs.
Je mets un pied à terre, et je sais. J’y suis. La zone est devant moi, la zone m’entoure, je suis en elle.
J’entends un aboiement. Était-ce le vent ?
Nous commençons notre progression à travers les lieux.
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Premier arrêt. Déjà quelques heures que nous marchons.
Je demande au Stalker si nous ne tournons pas en rond.
Il me répond en me racontant une histoire, celle de deux hommes qui comme moi, ont été guidés en ces lieux. J’apprends que ces hommes ont vu beaucoup de choses, mais qu’ils ont tout de même eu plus de doutes durant leur périple que quiconque peut en avoir au cours d’une vie. Ils étaient des hommes de savoir, des hommes instruits. Mais moi, qui suis-je ? Je ne suis personne. Pourquoi le Stalker a-t-il accepté de me guider ? Il ne sait rien de moi…
Mais je ne sais rien non plus de lui. Ni de la « chambre qui exauce les vœux ». Existe-elle vraiment ?
Un long regard du Stalker me fait me lever. Sait-il ce que je pense ? A-t-il des pouvoirs ?
Qu’est-ce que je m’imagine… Je reprends mes esprits, et nous repartons.
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Je ne sais qu’écrire.
La chambre est devant moi.
Aucune porte ne demande à être ouverte, je n’ai qu’à enjamber une flaque d'eau. Une simple flaque.
Après avoir traversé un océan de verdures et de dilemmes intérieurs, que je n’ai pu retranscrire ici, je n’ai qu’à enjamber une flaque pour atteindre la chambre.
Un sentiment de fraîcheur m’envahit soudain. Mais ce n’est pas agréable ; non c’est froid. Terriblement froid.
Je n’ai pas pu éviter l’eau, j’ai les deux pieds dedans.
Devant moi, le Stalker sourit. Il me dit que j’ai réussi.
Mais je sais au fond de moi ce que j’ai à faire.
A terre, une pierre… Non, il ne faut pas. Trop tard. Le Stalker tombe. Ma main ensanglantée lâche la pierre rouge que je venais de ramasser.
Il faut que je quitte la chambre. Mais je ne peux pas quitter la zone.
Je cours.
Je cours, encore et encore, à travers la végétation d’un monde inédit. Mon monde.
Personne ne me suit.
Je suis seul. Je suis à nouveau, mais pour la première fois, chez moi.
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Il est temps pour moi de vous dire adieu. Je vous quitterais en vous dévoilant mon secret.
Quel était mon rêve, mon vœu le plus cher ?
N’est-ce pas évident ?
C’était simplement d’être ici, dans la zone, et d’atteindre la chambre, afin de la voir de mes propres yeux.
Je ne sais pas de quoi sera fait mon avenir…
Le Stalker va-t-il me retrouver ?
Pourrais-je rester, faire durer mon rêve ? Vais-je le faire partager à d’autres, devenir à mon tour un Stalker ?
Quoi qu’il en soit, j’ai pu faire ce que chacun désire : l’exaucer.