Peindre l'âme humaine en deux parties
Quand Andrei Roublev n'était pas suffisant, Tarkovski a décidé d'écrire une autre épopée philosophique. A travers la métaphore de la Zone et de la Chambre, le poète-réalisateur nous convie à une réflexion sur la nature du désir chez l'homme, mais également sur la foi. On ne peut que rapprocher les souhaits, les croyances du stalker en la bonté de cette Chambre qui exaucerait les voeux, des croyances chrétiennes. Ce sont des promesses, des voeux exaucés qui s'y déroulent.
La Chambre n'est pas le sujet du film : c'en est bien le stalker qui donne son nom au titre. C'est l'homme qui croit qui est inexorablement au centre de tout. Même après que l'Ecrivain ait pu lui montrer que les désirs sont vains, que la Chambre ne donnera jamais rien, le Stalker continue de croire. La foi et les désirs seraient insurmontables à travers cette masse grisâtre et sépia qui recouvre le monde. La Zone est un espace atemporel, qui permet à l'homme de se concentrer sur la recherche de son désir. Aussi, il n'est pas étonnant d'y retrouver la métaphore d'Orphée et Eurydice, où celui qui cherche l'objet de son désir ne peut y accéder directement, mais doit toujours le regarder par procuration. La Chambre ne donne pas les désirs, elle les suppose.
Stalker est une profonde métaphore, une fresque époustouflante, et Tarkovski, tant philosophiquement qu'esthétiquement, s'impose définitivement comme le peintre de l'âme humaine. Des plans séquences que qualifier d'interminables serait péjoratif, et auxquels on préférerait le terme d'éternels, des cadrages qui suggèrent tant, des acteurs éblouissants... On ne trouve plus ses mots face à un monument du cinéma comme celui-ci. On ne peut que rester béat devant quelqu'un qui parvient à donner corps, pendant 2h45, aux tréfonds de la complexité de l'entendement humain.