Il marchera sur vos cadavres encore chauds.
Sur Terre, une nouvelle menace est apparue. Un membre de Starfleet du nom de John Harrisson a décidé de s'en prendre aux hauts décisionnaires et de faire bouger les choses. Après une tuerie innacceptable, le capitaine Kirk et son équipage sont envoyés à bord de l'USS Enterprise retrouver le terroriste, mort ou vif...
L'univers SF qu'a façonné J.J. Abrams avec son premier "Star Trek" de 2009 s'étoffe ici encore un peu plus, et le résultat est enthousiasmant. À voir comment la planète Cronos, superbe travail de lumière et de design, rappelle la Géonosis de "L'Attaque des Clones", il est légitime d'accorder sa confiance à Abrams pour le prochain volet de la guerre des étoiles. Son utilisation du champ-contrechamp est la preuve du dynamisme qu'il accorde à son film ainsi que ses plans en contre plongée où la caméra se balade avec bonheur entre les décors et les personnages. Si la mise en scène n'invente rien, la continuité visuelle avec le premier volet s'affirme pour créer une cohérence esthétique bienvenue. Une continuité qui se retrouve également au coeur des personnages. L'équipage de l'USS Enterprise devient alors le moteur de l'action et les différentes interactions entre Kirk et Spock permettent au film de s'assurer une réelle empathie et richesse de background. Certaines scènes, notamment dans les 30 dernières minutes, sont des pics d'émotion.
Tout, cependant, n'est pas réussi. Le fait est que Abrams, en s'encombrant d'un récit compact, concentre tous ses éléments et ses atouts dans une histoire dont le déroulement est raconté sur le vif comme un long épisode prolongé de série. En posant trop rapidement ses bases pour faire entrer plus vite son méchant dans l'intrigue, Abrams prend le spectateur de vitesse avec un scénario alerte, où l'intégralité du film se déroule sur quelques heures. Un choix qui devient, vers son achèvement, une contrainte qui oblige le cinéaste à balancer le plus vite possible tous ses atouts dans un temps record, là où les grands space opera comme la saga des "Star Wars", savaient sauter de planète en planète, d'intrigue en intrigue, de richesse en richesse filmique, pour mieux surprendre encore vers un grand final. Ce qu'avait à peu près réussi Abrams à faire, peut-être par l'obligation de raconter la genèse des personnages et de bâtir un univers SF crédible, dans son "Star Trek" de 2009.
Car ici, si le rythme est soutenu, Abrams survole ses nouveaux personnages joués par Peter Weller et Alice Eve, au profit de la relation Kirk/Spock. Une fois Benedict Cumberbatch entré en scène sur la planète des Klingons, un deuxième film apparaît, se déroulant dans l'espace pour finir sur Terre, là où le film a commencé. Une irrégularité qui ne nuit certes pas à la cohérence de l'ensemble.
Mais faute d'enjeux forts, car trop alambiqués et finalement décevants, à mille lieux de ce que l'on nous annonçait comme une chasse à l'homme épique, "Star Trek Into Darkness" perd de l'intérêt au fur et à mesure que l'on se rend compte que le prétexte du terroriste John Harrisson n'est... justement qu'un prétexte à une succession de tableaux sentimentalistes de l'équipage de l'Enterprise. En privilégiant, avec réussite tout de même, les relations de ses personnages, Abrams fait une croix sur le personnage de Benedict Cumberbatch, pourtant fort d'un charisme impressionnant, d'un visage aux yeux reptiliens hypnotiques. S'il s'en sort haut la main comme prévu, il est dommage que son personnage soit si survolé et que le film ne tourne finalement pas autant autour de lui. Car il est bien l'attraction de chacune de ses apparitions, que j'aurais préféré plus épiques.
Reste que, malgré son cadre de temps restreint très "serial", le récit et l'exécution qu'en fait Abrams forment un grand moment d'aventure et de science-fiction. Pas aussi haletant que le promettait son antagoniste, mais tout de même fortement recommandable. Car malgré ces quelques déconvenues, les scènes de l'attentat suicide quasi muet ou celle bien plus bruyante sur la planète des Klingons resteront surement longtemps en tête. Tout comme le visage de Benedict Cumberbatch, méchant mémorable que j'espère revoir dans le prochain volet. Car oui, SPOILER il ne meurt pas. Et c'est étonnant.