En défense de l'indéfendable
(Attention, vous entrez dans une zone nerd. Très nerd. Vraiment. Vous êtes prévenus)
Il y a très longtemps, dans une époque très lointaine George Lucas était un réalisateur intouchable. Il venait de réaliser une des trilogies les plus importantes du cinéma (Star Wars) et venait d'en écrire une autre (Indiana Jones). Il régnait tel un Empereur sur le divertissement intergalactique. Oui mais voilà, à l'aube du XXIeme siècle il décide de retourner à l'univers qui l'a rendu tout puissant.
Une nouvelle trilogie fut réalisée, et les fans durent déçus. Oui mais voilà, cette prélogie était-elle si mauvaise? En particulier le premier épisode, était-il si raté?
Et bien non. Et je vais essayer d'expliquer pourquoi. En dix points.
1. Tout d'abord l'histoire. Beaucoup de fans reprochèrent le caractère foutraque de la menace fantôme. Dès le carton introductif il est vrai que l'on est un peu perdu. Il y est question de blocus économique, de fédération du commerce, de complots politiques, etc… Oui mais voilà, avec la prélogie George Lucas semble vouloir revenir à ses premiers amours Hard SF. Fondation d'Asimov a toujours été une obsession pour lui (il n'y a qu'à comparer Coruscant à Trantor) et il est clair que Lucas a voulu s'éloigner du simple récit initiatique pour rentrer dans un vaste récit de cilivisation. En effet, si les épisodes IV à VI racontent le destin d'un héros, les épisodes I à III ambitionnent de raconter la chute d'un homme et avec lui, la chute d'une République. La gestion des intrigues politiques n'est certes pas le fort de Lucas (d'autant plus quand on le compare à Asimov) mais cela témoigne d'une volonté de renouvellement de la saga. De plus, il est de notoriété publique que la première trilogie était inspirée par les légendes Arthuriennes. Il est évident que pour cette prélogie, Lucas s'est au contraire inspiré des récits de la Rome Antique: corruption, intrigues politiques, et déclin d'une République. Mais j'aurai l'occasion d'y revenir. C'est souvent maladroit mais l'idée est assez passionnante.
2. Les Héros. Un reproche souvent fait à la menace fantome est la gestion du (ou des) héros. Question simple. Qui est le héros? Qui-Gon? Obi-Wan? Anakin? D'autant plus qu'Anakin n'apparait qu'à la 45eme minute du film.
Pour beaucoup, le film est bancal car son héros mal défini. Et bien pour moi au contraire c'est une des réussites du film. Dans la première trilogie c'était plus simple. Il y avait le bouseux blondinet qui deviendrait le héros. La princesse en détresse. Et le bad boy au grand coeur. C'était particulièrement efficace mais il ne fallait pas se répéter. A cette formule, Lucas substitue le duo maître / apprenti. Il y a Qui-Gon, le jedi sage mais téméraire qui préfère agir plutôt qu'attendre. C'est un jedi fougueux, roublard, qui est prêt à tout pour avancer. Et il y a son élève, timide, réfléchi qui devra se substituer à son mentor à la mort de ce dernier, et qui au fil des épisodes de la saga ressemblera de plus en plus à son maître. A ce duo finalement très bien écrit, s'ajoute le véritable héros du film Anakin. Le fait qu'il n'aparaisse qu'à 45 minutes du film n'est en rien un problème. Il est le coeur du film et même de la saga. L'acteur en revanche est une catastrophe. Il est mauvais. Terriblement mauvais. Sauf que lui, il a l'excuse de la jeunesse. Ce que n'aura pas l'autre catastrophe Hayen Christentruc.
3. Troisièmement, la réalisation. Et bien là, je ne défendrai pas le film. Le film a mal vieilli. Il est moche, les incrustations sont moches, les personnages en 3D sont moches et la moindre texture parait lissée (et ce n'est rien par rapport à l'épisode II). Voilà le problème du numérique par rapport aux bonnes vieilles maquettes. Sans parler de la mise en scène en elle-même qui est plutôt mal foutue. Lucas est un créateur d'univers et pas vraiment un metteur en scène. Pour voir ses bonnes réalisations je vous renvoie à THX et surtout au génialissime American Graffiti.
4. Quatrièmement le casting. Bon j'ai déjà parlé de cette saleté de Jake Lloyd. Mais à part le mioche c'est quand même le sans faute. Portman? McGregor? Jackson? Neeson? Qui dit mieux? Le casting est impeccable il faut bien le dire.
5. On en vient aux morceaux de bravoure du film. Qu'est ce qui fait qu'un divertissement entre dans la Pop Culture? Les dialogues? Oui, mais avec George ils ne sont souvent pas fameux. Il reste les morceaux de bravoure et avec la menace fantome on est gâtés. Il y a la course de pods tout d'abord. Peut-être ma séquence préférée de la prélogie. J'ai déjà dit que pour moi le film s'inspire du déclin de Rome. Le parallèle avec les courses de chars est on ne peut plus clair. On est donc bien dans un péplum intergalactique. La scène est brillante et nerveuse. On ne va pas bouder notre plaisir. La scène de l'arène dans l'épisode II prolongera la métaphore Antique. Autre grand moment, le final. Beaucoup de fans reprochèrent le manque d'implication dans l'action en raison des personnages auxquels on ne s'identifie pas. J'ai déjà dit à quel point je trouvais le duo Qui-Gon/Obi-Wan efficace. Le combat contre Dark Maul offre enfin un combat de sabre digne de ce nom (je n'ai pas besoin de vous rappeler le duel misérable entre papi Obi-Wan et Dark Vador dans l'épisode IV). La combinaison entre les chorégraphies, la musique et le montage est exemplaire. Personnellement, ces deux scènes justifient à elles seules ce premier film. Elles sont si bonnes, qu'il n'y en aura plus de ce niveau dans les deux suites.
6. Sixième point: les bad guys. Il y a Palpatine tout d'abord. Son plan est un peu flou, Lucas s'emmêle un peu les pinceaux. Pas besoin de s'y attarder. Mais il y a surtout Dark Maul. Il a des tatouages rouges et noirs sur le visages, des petites cornes et un double sabre. Que voulez vous de plus? Next
7. On en vient au sujet sensible. Alors, allons y: JAR JAR.
Comic Relief? Infantilisation? Produit dérivé ambulant? Jamais Lucas n'aurait fait ça dans la première trilogie?
Ma réponse en un mot: ewoks. Next
8. Autre point sensible: les midi-chloriens. Personnellement je n'ai jamais compris ce débat. Ils sont tout juste abordés et ne démystifient en rien la force. Le mystère de la force est sain et sauf. Cette dilettante de Lucas se permet même de pas réaborder le sujet dans les deux films suivants.
9. Avant dernier point: le design. Il faut quand même avouer que l'épisode I est le plus beau de la prélogie au niveau du design. Naboo est sublime avec son inspiration architecturale Italienne. On est loin des aliens créateurs de clones de l'épisode II et de leur ville au design Apple. Ou de Geonosis et ses insectes (encore l'épisode II tiens donc). Ou même du Coruscant nocturne et de ses bars flashy. Dans quel épisode déjà?
10. Enfin, pour terminer cette critique bien trop longue: la musique. Là encore, soyons honnêtes: la menace fantôme a la meilleure musique de la prélogie. Duel Of the Fates? Inoubliable.
Si vous avez lu jusque là, c'est premièrement que vous avez du temps à perdre. Et deuxièmement, que vous commencez peut-être à comprendre en quoi l'épisode I est sous estimé et est peut-être le meilleur épisode de la prélogie. Il a certes des défauts (de réalisation et d'écriture) mais il reste bien plus cohérent, resseré et tenu que les deux épisodes suivants. Le visionnage du making of est riche en enseignements: on y voit Lucas entouré d'un aréopage de laquets qui rigolent à ses mauvaises blagues et qui n'osent contester la moindre directive. L'aura de Lucas lui a assuré une liberté totale mais l'a aussi isolé de toute critique constructive. Là, réside sans doute le problème principal de la prélogie.
L'épisode VII est attendu d'ici un peu plus d'un an. Que les fanboys lui laissent sa chance. L'épisode I a été injustement attaqué. Ne vous gachez pas le plaisir d'une troisième trilogie. Moi je serai au premier rang.