Propos préliminaires : à la suite des heures consécutives sur le dernier jeu tiré de l'univers et de la lecture navrante d'une critique sur l'un des opus de la Prélogie, l'envie s'est fait sentir de repartir dans les tréfonds de mon enfance et d'affronter l'un des piliers de ma culture cinématographique. Je ne cacherai pas que je suis l'un de ces enfants de la "génération Prélogie" (dîtes aussi génération "Septembre 2001", à vous de choisir) mais je vais essayer de dépasser la subjectivité inhérente à ce que m'ont fait ressentir ces trois opus.
Paradoxalement, je me rappelle encore très bien cet opus, même avant revisionnage alors que le VI m’est assez obscur. Et ce n’est pas le nombre d’opportunité pour les regarder qui a manqué.
Poursuivant sur sa lancée, l’aventurier Lucas aborde cette trilogie dans un contexte ô combien différent. Mérité ou non, George Lucas est désormais une étoile incontournable du firmament de la culture populaire et de la technique visuelle (ses équipes regroupées, entre autres au Ranch Skywalker, ne cessent d’apporter des innovations au monde du cinéma). Sacrifiant le bric-à-brac pour construire une magie et un univers, Lucas succombe complètement au pouvoir des effets spéciaux et du fond vert.
Et de ce fait, plante le premier clou dans le cercueil de sa relation avec les fan-atiques qui se pressent toujours plus nombreux autour de ses créations.
En effet, beaucoup doit être dit sur ce procédé. La grande magie de la trilogie originale a été de nous faire voyager sans inonder nos écrans d’effets spéciaux et de décors surréalistes. Mais les équipes créatives vont décider – et désirer- de donner corps à ces galaxies toutes plus étranges que les autres. Et pour ça, la neige, le désert et la forêt doivent s’incliner devant du plus spectaculaire. Si chaque film de la trilogie originale présentait une grande planète, le pari dès le nouvel opus est de prouver que les bouchées doubles ne lasseront pas le spectateur.
Et chose promise, chose due. Naboo, rencontre improbable entre palais italien de la Renaissance et ville sous-marine d’une race d’amphibies partagent la vedette avec le monde-ville de Coruscant, planète de gratte-ciels, capitale d’une République Galactique dont l’étoile pâlit.
Là où le choix du tout « fond vert » peut sembler discutable, c’est bien en comparaison avec l’esthétique globale. Comment ne pas citer Yoda par exemple ? Qui réussi la prouesse de sembler plus vieux et catatonique que dans le V ! De même, si les costumes sont globalement réussis, les Gungans et donc Jar Jar Binks sont plus ou moins immondes, le choix d’une natte pour les Padawan Jedi est… comment le dire diplomatiquement ? Mal avisé ? Il n’y a que les Neimodiens comme nouvelle race que je trouve assez juste. Arriver à ce point à donner corps à la lâcheté et la cupidité, je dois reconnaître les efforts.
Et c’est assez gênant, notamment si on compare avec le travail démentiel accompli sur les vaisseaux de cet opus. Je reste encore béat sur le rendu des vaisseaux chromés de Naboo ou l’Infiltrateur Sith. Rien de comparable avec le manque d’effort fourni sur les derniers opus par exemple. Le style Naboo et les investissements dans les costumes sont la preuve d’une imagination fourmillante.
Dépassons la forme et attaquons le gros morceau, le fond. Le deuxième et plus important clou dans le cercueil cité précédemment.
Peut-on chercher à innover constamment quitte à partir trop loin ? Peut-on « déconstruire » sa propre mythologie ? Peut-on construire des liens entre des éléments séparés précédemment ?
George Lucas répondra « Oui » à toutes ces questions en faisant peu de cas des larmes de contestations, d’accusations de sabordages et menaces en procès pour révisionnisme. Car oui, celui qui a construit cet imaginaire -emprunté à de nombreux univers préexistants, il faut le reconnaître- inaugurera un schisme avec ses fidèles.
L’introduction de sujets sociétaux « lourds » (politique, commerce, esclavage, corruption, etc.) désarçonneront. D’aucuns hurleront à l’ennui.
La volonté de créer une assise scientifique à la Force à travers les midi-chloriens choqueront. D’aucuns hurleront à la trahison.
Le souhait de dédramatiser les enjeux en incluant les Gungans et le regard d’Anakin enfant (passé la fuite de Tatooine, j’entends) consterneront. D’aucuns hurleront à la faute lourde.
Alors qu’en dire ? Que si les fans sont d’horribles crétins qui devraient commencer des cours intensifs de yoga car il n’y a pas lieu de souffrir autant pour ça, l’erreur originale semble bien venir de Dark Lucas. Il n’a – en effet- jamais tranché : Star Wars, et La Menace Fantôme a fortiori, est-il un « galactic soap opera », un film d’action et de romance, un plaidoyer pour la paix et contre les extrêmes, une énorme machine à cash ou juste un divertissement populaire ?
Tout, mon Chancelier Suprême !
Mais, ce que les fans de la première heure ont sans doute refusé de voir, c’est que Lucas n’était pas à son coup d’essai. Le premier grand acte de cette contorsion artistique fut présent dès le VI. En aucune façon, les Ewoks ne peuvent se distinguer des Gungans. Créatures conçues pour attendrir et détendre l’atmosphère, les deux peuples aideront les héros dans un affrontement héroïque contre les forces du mal. Je rajouterai même que le « Holidays Special », ou étron sur patte pour les intimes, à la suite de la sortie du IV était en soi un doigt d’honneur d’un réalisateur qui ne se prenait pas au sérieux.
A partir de là, Jar Jar Binks était inévitable. Il n’était pas ce que l’on méritait, il était ce dont on avait besoin. Oui, j’ose. Le rendu insupportable des dialogues d’Anakin doit autant au fait que Lucas est un piètre dialoguiste qu’il prenait moins à cœur les conséquences d’une envie sincère de jeter un gosse de dix ans dans la bouche du Sarlac…. Son erreur mais notre responsabilité.
Partant de là, la « politique » est l’étape suivante de mon raisonnement [pour faire durer le plaisir avant d’aborder les midi-chloriens]. En toute mauvaise foi, je ne saisis toujours pas le ressenti vis-à-vis de « l’ancrage » de la narration dans des thématiques qui sortent de la dualité entre les gentils et les méchants. Je reste conscient que le développement des dites notions sont sommaires. Mais tout de même, évoquer une démocratie qui se perd dans la corruption, l’auto-aveuglement, les guildes marchandes et la bureaucratie, ça a du sens tout de même, non ? Traiter d’institutions millénaires figés dans leur gloire d’antan (Conseil Jedi, Sénat) et leur arrogance, cela semble apporter quelque chose de positif au récit, non ?
Le cas de Qui Gon Jinn par exemple semble symptomatique d’un individu qui cherche à réfléchir par lui-même dans un monde sclérosé par les règles et les habitudes. Mais je pourrai surtout citer Padmé. Dépeinte comme une figure passive, inexpérimentée, elle se révèlera être plus maligne et tacticienne que Palpatine l’aurait imaginé. Traitée avec condescendance par Qui Gon Jinn et idéalisée par Anakin, elle prouvera ses aptitudes pendant la bataille pour libérer la planète.
Et il s'agit bien de ce renoncement à la dualité réconfortante que je trouve être le meilleur atout de cet opus. Reine en danger se révèle cheffe de guerre, Ordre Jedi, phare dans la galaxie, se dévoile sectaire et méprisant tandis que la République s’affaisse sous le poids de ses propres contradictions. Et cela vaut largement plus qu’une opposition enfantine entre les « gentils » et les « méchants » de la première trilogie [si les critiques se poursuivent sur les autres films, j’ai beaucoup à dire sur les impostures Han Solo et Lando Calrissian].
Allez, le gros morceau. Les trois lignes de dialogue qui ont provoqué des AVC. Rendre tangible par la science, la Force. Bonne ou mauvaise chose, le coup est radical. La trilogie est assez sommaire sur cette puissance dont seuls quelques individus semblent sensibles. Un mélange ésotérique entre télékinésie et télépathie qui devient de facto la conséquence d’une spécificité cellulaire. D’une mutation en somme.
Et pourtant, là où certains hurlent à l’hérésie, je m’interroge. La Force a-t-elle changé de nature à la suite de cette révélation ? N’est-elle toujours mystérieuse malgré cette trouvaille scénaristique ? Il semblait pourtant acquis dès le IV que le lien de sang donc génétique était un facteur qualifiant pour être dépositaire de ce pouvoir. Finalement confirmé par les capacités de Leia dans le V.
Comme toute attente d’ampleur, le résultat a déçu. Non pas tant par les faiblesses, nombreuses, que par une envie déraisonnable et immature (assez proche du sentiment que j’ai éprouvé à la sortie du VII, d’ailleurs).
Alors, oui, Lucas n’a pas su maîtriser le monstre qu’il a lui-même crée. Et certaines de ses grandes idées l’ont aussi été à son corps défendant (référence à comprendre dans les prochaines critiques). Il introduit les Sith et l’Ordre Jedi pour finalement ne rien dire dessus. Seuls trois Jedi du Conseil auront le droit à quelques lignes de dialogue, sans compter Obi-Wan dans le III. C’est peu, trop peu. Même Dark Maul ne dévoilera son potentiel que dans les séries Clone Wars et Rebels, une quinzaine d’années après, c’est dire.
Pour tenter de finir sur deux notes positives, on rappellera que John Williams n’a jamais aussi bien composé que sur cette trilogie, et le I est compris dedans.
Enfin, le choix de s’entourer d’acteurs de renoms (S.Jackson, L.Neeson) est un signe de maturité. Tout en laissant leur chance à des jeunes acteurs qui ont démontré toutes leur capacités, notamment dans leur suite de carrière (E.McGregor, N.Portman, K.Kneightley). Le cas de J.Llyod doit être soulevé. Pour rappeler qu’il n’est pas responsable des lignes du script et que rien ne justifie le torrent de boue qui s’est abattu sur lui.
Ce qui me fais dire que Lucas n’est pas qu’un mauvais dialoguiste…
P.S : Je maintiens ma note de 6/10 qui me semble assez adapté. Les coups d'éclats tels la course de modules doivent permettre à ce film d'obtenir une réhabilitation justifiée.