s’asseoir sur un tas d’or et ne pas savoir qu’en faire
C’est devenu la spécialité de Thomas Langmann ; s’asseoir sur un tas d’or et ne pas savoir qu’en faire. Après Astérix aux jeux Olympiques, voici Stars 80. Une licence en or, avec les droits des chansons mythiques des années plastique, et une tournée live qui a déjà prouvé que l’idée de réunir Femme libérée, Eve lève-toi et Voyage Voyage était en or massif… Toutes ces chansons, pour plagier Le Faucon Maltais qui plagiait Shakespeare, fait de l’étoffe de la nostalgie.
Pire, Langmann avait une bonne histoire ; une BOATS qui pouvait tenir la route, l’histoire de deux producteurs à la ramasse (Hugues Gentelet et Olivier Kaefer), qui créent la RFM Party 80, à base de chanteurs ringards interprétant uniquement leurs tubes 80’s. Vider les poubelles de l’histoire, ramasser ces one hit wonders, et en faire une tournée, au succès que l’on sait. Tout est là, en germe, pour faire un bon scénario. La success story auquel personne ne croit, le méchant banquier, le showbiz incrédule, les associés qui se prennent le melon ou les caprices des ex-stars, réels ou inventés.
C’est en fait la seule réussite de Stars 80. La vraie/fausse réconciliation de Peter et Sloane, les caprices de Jeanne Mas, et la performance hallucinante de Jean-Luc Lahaye, patron de boîte biker qui se la joue, donc pas très loin de la réalité…
Il n’y a rien de plus horrible que de voir une belle idée gâchée. A fortiori gâchée par la fainéantise et la mégalomanie de Langmann qui veut à tout prix, comme dans Asterix, signer le film, alors qu’il n’est ni cinéaste, ni scénariste. Il aurait dû se contenter de produire, ce qu’il fait plus qu’honorablement (Mesrine, The Artist). Ici, on sent à chaque plan son ombre de producteur interventionniste qui cache le scénariste frustré ou le monteur amateur : Coupe là ! C’est trop long ! Rajoute la musique ici ! Plus fort !
Malheureusement, il y a des gens dont le métier c’est d’écrire et d’autres de monter. Les dialogues de Stars 80 sont donc parfaitement plats, les gags lourdement appuyés, les situations jamais amenées. Climax : le plantage d’une des meilleures idées du film (Gilbert Montagné en révérend gospel) qui n’hésite pas à plagier plan pour plan la scène de l’église – trampoline compris – du Blues Brothers de John Landis*.
Heureusement, il reste les chansons, et leurs chanteurs. Ces quinquas, déjà ringards en 1982, usés par l’âge, les rides, la graisse, et détruits par ce show business qui élimine toute part d’humanité en vous. La grande surprise du film, c’est qu’ils sont formidables, malgré la faiblesse du scénario. Ce sont eux, la bonne idée du film : créer de vraies-fausses intrigues basées sur la personnalité des chanteurs. Peter et Sloane se sont engueulés ? Inventons une réconciliation. Sabrina était une bombe sexuelle ? Un des personnages est toujours amoureux d’elle. Jeanne Mas se la pétait ? Faisons-en une Mylene Farmer inaccessible… ; bref mettons de la fiction dans le biopic.
Une des rares scènes réussies illustre cela : la première date de la tournée est un bide ; on se retrouve au restaurant et pour faire passer le blues qui s’installe, on se met à boeufer autour du piano, dans ce restaurant familial. Évidemment, trois chansons plus tard, il y a le feu dans le restaurant. Qui n’a pas dansé sur Tropique, en se disant que la plus belle fille de la fac ressemblait vraiment à Muriel Dacq ? Qui ne s’est pas vanté de connaitre par cœur le rap de Nuits de Folie** ? Qui n’a pas regardé en douce le Lui « spécial Sabrina/Samantha Fox » ?
Tout d’un coup, le cinéma de Stars 80 incarne une idée ; celle de notre rapport ambivalent à la culture pop. Nous détestions cette musique en 1980, parce que nous n’avions pas d’argent, nous n’étions pas à la mode, nous n’avions pas de mocassins Weston , pas de Golf GTI… Nous étions de l’autre côté de la barrière : Les Clash, les Dogs, les Rita Mitsouko, Frenchy but Chic dans Best, les Motels, les Specials : une musique bien plus intéressante, et nos titres de gloire aujourd’hui, à l’heure de l’expo EuroPunk. Mais si tout le monde fait la moue devant Sabrina, ses paroles idiotes, et ses seins « accidentellement » à l’air dans la piscine, comment nier qu’elle est un souvenir très importante de notre vie de mâles adolescents ?
Stars 80, avec un peu de travail, aurait pu être cela, une comédie douce-amère sur notre jeunesse. The Big Chill avec des paillettes, et des Golf GTI. C’est tout ce qu’ont lui reproche.
* Même le Professorino s’en est rendu compte (12 ans)
** Et tu chantes danses jusqu’au bout de la nuit
Tes flashes en musique funky
Y a la basse qui frappe et la guitare qui choque
Et y a le batteur qui s’éclate et toi qui tient le choc…