J'avoue qu'il est assez difficilement accessible ce film.
A première vue, il a tous les aspects du gros blockbuster qui tâche ce "Starship Troopers". Et d'ailleurs, pour peu qu'on n'y prête pas attention, c'est comme ça qu'on pourrait le percevoir : juste comme un blockbuster assez basique mais dont on pourrait éventuellement reprocher quelques détails.


Seulement voilà, je pense qu'il ne faut pas se laisser duper par les apparences.
Quand bien même avons-nous affaire là à un film spectaculaire et visuellement assez impressionnant (les effets numériques ont plutôt bien vieilli, malgré leur âge), il se trouve que l'essentiel se trouve ailleurs. Pour moi, il est évident que l'essentiel se trouve justement dans tous ces petits détails qui nous font percevoir ce "Starship Troopers" comme un film un peu étrange.
Un film qui cloche.


En fait, ce n'est pas le film qui cloche, c'est nous.
On est tellement habitués à se manger des rasades de grands spectacles à base de glorieuses épopées militaires qu'on en oublie souvent que même le plus famélique des scénarios dit quelque-chose ; qu'il nous pose un regard sur le monde ; qu'il nous offre un biais.


Ainsi se retrouve-t-on dans "Starship Troopers" à observer une grande guerre sans merci que les humains ont décidé de mener contre une espèce insectoïde issue d'une autre planète. La cause semble légitime parce que les vilains ont attaqué les premiers et puis, franchement, il y a t-il seulement à se poser la question de la légitimité de son acte quand il s'agit d'écraser des insectes...


Seulement voilà, derrière cette grande épopée aux allures de sainte croisade, il y a tous ces détails qui sont comme des petits grains de sable qui viennent parasiter notre abandon total dans cette belle fresque héroïque.
Il y a ce détail qui nous précise qu'avant qu'ils ne se fassent attaquer, les humains exploitaient sans vergogne la planète désertique où vivent ces vilains insectoïdes.
Il y a aussi ces héros au fond un peu simplets, qui font ce qu'on leur demande de faire sans forcément réfléchir.
Il y a enfin cette guerre qui, par son déroulé, ne forge pas des héros s'accomplissant par leur bravoure, mais plutôt qui se contente de hisser au sommet des têtes-brûlées qui ne doivent parfois leur mérite qu'à la chance.
Ajoutons à cela plein d'uniformes malaisants ainsi que des combats plus sanglants et crus que d'accoutumée et on prendra soudainement conscience de ce qu'est vraiment ce "Starship Troopers".
Il n'est pas un blockbuster classique et décérébré qui a loupé ses petites pointes d'humour.
Oh ça non. Au contraire, "Starship Troopers" est en fait une satire acerbe de notre rapport au blockbuster.
Une satire qui nous montre qu'en fait, ceux qui sont décérébrés dans cette histoire, c'est nous.


Tout un symbole, à l'époque de la sortie de ce film (1997), pas mal de critiques américaines l'avaient qualifié de film fasciste. Avec le recul, cette réaction est d'autant plus amusante que le film n'avait de fasciste que la société qu'il dépeignait.
Cette société c'était les Etats-Unis de cette époque. Un pays qui s'était lancé corps et âme dans une Guerre du Golfe dont les tenants et aboutissants ne sont guère bien différents de ce qui nous est présenté dans ce "Starship Troopers".


Alors après, peut-être que certains trouveront ça assez facile et, avec nos yeux d'aujourd'hui, ils n'auraient peut-être pas tort. Seulement voilà, en 1997, oser faire ce genre de film en se risquant sur un créneau très mainstream, c'était quand-même assez culotté. Pour moi, seuls Tim Burton et son "Mars Attacks!" peuvent se vanter d'une pareille audace.


Et puis s'attarder là-dessus c'est aussi oublier qu'au-delà de sa démarche iconoclaste, "Starship Troopers" reste un film formellement assez saisissant. Je parlais tout à l'heure des effets numériques assez époustouflants pour l'époque, mais on peut aussi y associer ce sens du réel et de l'impact. La violence est crue, les scènes de destructions dantesques sont amenées avec une certaine froideur (je pense notamment à la scène de destruction de vaisseau) ce qui en renforce son caractère impitoyable.
Et puis surtout il y a ce goût de la chair et de la texture.
Il y a de la viscère. Il y a de la chair. Il y a de la roche.
Tout cela s'inscrit non seulement très bien dans les thématiques chères à Verhoeven, mais en plus cela ne donne que davantage de sens à la démarche de ce film.


L'air de rien, avec le recul, je me rends compte à quel point "Starship Troopers" se pose tout autant comme un film d'une réelle singularité en même temps qu'il se pose comme un monument de lucidité pour son époque.
Une œuvre maligne et malsaine.
Un film à part...
...Mais un film à voir.

Critique lue 590 fois

8
3

D'autres avis sur Starship Troopers

Starship Troopers
zombiraptor
10

1001 blattes

Une fois de plus, je viens de m'enfiler cette petite merveille en prenant un pied fou. Starship Troopers c'est l'histoire de militaires du futur transportés dans des gros vaisseaux spatiaux,...

le 1 janv. 2014

142 j'aime

33

Starship Troopers
The_Dude
8

We must meet this threat with our valor, our blood, indeed with our very lives to ensure that human

Starship Troopers. Ayant vu le film et lu le roman (par ailleurs excellent malgré les opinions politiques de l'auteur, lire le livre est tout aussi formateur que voir le film) je pense pouvoir me...

le 19 oct. 2010

106 j'aime

12

Starship Troopers
Sergent_Pepper
7

Sous la lumière bleue d’un grouillant génocide : Chanson de geste

Ils sont jeunes et fringants, le brushing impeccable Sourire carnassier à l’assaut de la gloire Athlètes sculpturaux, auxquels on a fait croire Que la beauté du monde est un soap implacable. Récit...

le 4 oct. 2014

96 j'aime

15

Du même critique

Tenet
lhomme-grenouille
4

L’histoire de l’homme qui avançait en reculant

Il y a quelques semaines de cela je revoyais « Inception » et j’écrivais ceci : « A bien tout prendre, pour moi, il n’y a qu’un seul vrai problème à cet « Inception » (mais de taille) : c’est la...

le 27 août 2020

238 j'aime

80

Ad Astra
lhomme-grenouille
5

Fade Astra

Et en voilà un de plus. Un auteur supplémentaire qui se risque à explorer l’espace… L’air de rien, en se lançant sur cette voie, James Gray se glisse dans le sillage de grands noms du cinéma tels que...

le 20 sept. 2019

207 j'aime

13

Avatar - La Voie de l'eau
lhomme-grenouille
2

Dans l'océan, personne ne vous entendra bâiller...

Avatar premier du nom c'était il y a treize ans et c'était... passable. On nous l'avait vendu comme l'événement cinématographique, la révolution technique, la renaissance du cinéma en 3D relief, mais...

le 14 déc. 2022

161 j'aime

122