Pour ce film inspiré de la vie du très regretté Steve Jobs, Danny Boyle et son scénariste Aaron Sorkin choisissent la famille, pas seulement comme thème de son film, mais véritablement comme un angle d'attaque pour aborder l'existence de ce grand visionnaire.
Ce choix peut se comprendre car il apporte un éclairage nouveau sur les décisions prises par Steve Jobs. On découvre ainsi une personnalité torturée par sa situation d'enfant adopté et qui tend à rejeter un enfant qu'il n'avait pas désiré et dont il ne voulait pas assurer la charge.
Le portrait de Jobs qui nous est fait est celui d'un homme mégalomane, manipulateur et méchant, parfois empêtré dans ses propres contradictions et incapable de reconnaître ses propres torts, mais habité par une vision et une ambition démesurée. Le film nous présente l'homme tel qu'il a été vu par certains de ses contemporains : avec sa part d'ombres et son talent ; mais il le fait sans jamais prendre parti. En fin de compte, Steve Jobs n'a certainement rien fabriqué de ses propres mains il aura surtout combiné les talents de bon nombre d'ingénieurs qui ne se seraient certainement pas rencontré sans lui, et qui d'autre que lui aurait pu le faire ? Comme le souligne le film "he played the orchestra" et il était un génie pour cela.
Le film est également très intéressant par sa forme qui tend à en faire une sorte de tragédie en trois actes, séparés par deux montages. Ce choix en trois tableaux est très intéressant car il évite la dispersion des scènes et les sauts de chronologie. Il concentre la dramaturgie de l'histoire autour des points névralgiques ; le but étant de condenser autour de ses points forts les différents épisodes de son existence et les mettre en perspective.
Le montage est très vif et percutant, mais pas à la manière d'un Big Short où la caméra sautait à l'écran et nous laissant dans le flou, ce que j'avais trouvé fatigant. Ici, le rythme rapide fait écho à l'agitation d'un Steve Jobs dans les instants précédant ses fameuses présentations. Les flash-backs à l'intérieur de ces séquences sont également l'occasion de plusieurs montages parallèles d'une grande pertinence et qui ne nuisent en rien au rythme du long métrage.
Il est vrai que ce rythme est effréné et les bons dialogues y sont délivrés avec un débit soutenu. L'usage de la musique, qui m'a de temps à autres évoqué le minimaliste de Philip Glass, est ici très intéressant car, particulièrement dans ce film, il souligne les dialogues qu'il permet de mieux voir, ainsi que d'en saisir la direction.
Au sujet des acteurs, on peut dire qu'ils sont vraiment brillant. Fassbender en Steve Jobs est époustouflant et ne manque jamais de nous ébahir par sa prestation physique et verbale de l'ancien patron d'Apple. Kate Winslet est formidable et parvient à donner de une vie unique et palpabe son personnage. Jeff Daniels est également très solide dans ce rôle de PDG, incarnant dans l'entreprise une sorte de figure paternelle de substitution. Seth Rogen en geek de service fait du bon boulot et Michael Stuhlbarg semble tout à fait à sa place dans la peau de Hertzfeld.
Finalement, avec tout ces éléments, il me reste en tant que spectateur le souvenir d'une agréable expérience passée devant un film aux qualités visuelles et scénaristiques indéniables, saupoudré par le grand talent de ses acteurs et la maîtrise de son réalisateur. Un film que j'aurais plaisir à revoir.