Streap-Tease, c’est un peu le Bruegel de notre époque (« Plus que tout autre avant lui, et avant l’Italien Caravage, Bruegel fait de la réalité tangible, matérielle, sociale, humaine, la matière même de son art, et le sacré ne peut s’envisager qu’articulé à notre humaine condition », Connaissance des arts), dans un réalisme biaisé (« Brueghel est le créateur d’un monde où cohabitent le bien et le mal, l’ordinaire et la folie, la santé et l’infirmité (…). D'une manière générale, s'il est considéré comme un réaliste, Brueghel ne renonce pas à verser dans un certain maniérisme en accentuant la laideur des personnages, leur côté grotesque, voire vulgaire. » Beau-Arts) mais avec ce film, Streap-tease pousse le réalisme à un certain paroxysme, celui du Rembrandt de La Leçon d'anatomie du docteur Tulp. Ce faisant, il enfreint un tabou, celui de la mort, mais sans en rajouter : l’autopsie est filmée en plan fixe, avec le visage occulté. Le film nous rappelle que la mort fait partie de la vie, et que notre corps y est promis. Il nous le rappelle vers la fin du film, mais pas à la toute fin, et la scène qui clôt le film est assez magique et vivifiante pour nous inciter à retourner à la vie, qui plus est dans une surprise et retournement de situation assez fin, dans la thématique du film, qui nous fait réinterroger les 5 courts-métrages qui composent le film, et qui ont tous trait au corps : influenceuses mode à Dubaï, comédienne en Avignon, hypocondriaque dans le nord de la France, catho zéro déchets et papier toilette. Les aspects corporels sont donc évoqués dans une grande largeur, de la beauté à la mort en passant par la maladie, jusqu’à la mort et sa possible réincarnation et imitation, car le corps n’est pas fixe, il est vivant, il peut se transformer, et quand il est mort, il peut encore changer.
Ce regard sans fard sur ce qu’est notre vie et notre mort, porté par le film (jouant sur les mots du titres, car si on doit se déshabiller intégralement, notre peau est notre dernier vêtement) il est aussi qu’un point de départ pour questionner les rapports entre les corps, et donc entre les vivants. Et là aussi, le film montre les bizarreries et étrangetés parfois tues dans les vies de couples, de familles et d’amis. De la mère catho et totalitaire avec son zéro-déchets (ce qui mène à des inquisitions sur les cacas et les règles, mais aussi très taquine avec monsieur le curé et des bières comme La Religieuse) jusqu’au mari bouffi d’égoïsme et d’hypocondrie alors que son épouse est malade (l’autre scène difficile du film est la blessure d’un sein absent) en passant l’épouse-actrice qui exploite son compagnon et ces influenceurs faussement ensemble (scène grand-guignolesque où une influenceuse se fait opérer chez le dentiste devant ses amis, qui la filment et l’encouragent). Et surtout, le métrage nous questionne durement sur notre rapport aux morts. Mais c’est parce qu’il avait suffisamment interrogé la vie, qui a toujours réponse à tout.