Restauration impeccable de la version dite 3, la plus proche des désirs de Rossellini, par la cinémathèque de Bologne.
Omniprésence musicale qu'on oublie et qu'on retrouve avec étonnement. Même Hollywood n'ose pas tant en mettre. Et ça passe quand même, entre frères Rossellini.
Avec le recul, Rossellini apparaît de plus en plus comme un trait d'union entre la dramatisation à l'américaine, efficacité, pas de temps perdu avec du temps qui passe, et celle à l'européenne (pour le dire vite) : le temps, c'est la vie et pas l'argent.
Il prend un traitement du temps à l'Europe et finalement revient sur des couleurs dramatiques plus américaines. Cela, en écho au sentiment que le début du film résiste à l'artificialité de l'accélération dramatique, cherchant à ancrer la crise dans les choses les plus banales et quotidiennes puis la crise s'enclenchant tout de même, il retrouve d'une certaine manière l'émotivité plutôt du cinéma américain, Bergman n'expliquant pas à elle seule ce point.
Le banal et la quotidien pouvant à l'occasion être l'extraordinaire, Rossellini trouve à ces moments-là sa vraie puissance de cinéaste.
Car le quotidien de ces pécheurs, c'est aussi la mort. Filmée en direct, interrompant un silence d'huile inquiète, le giclement de panique des thons emprisonnés dans la nasse monté avec leur dernier soubresaut dans les barques et le regard hébété d'Ingrid précède, hasard ou nécessité, l'éruption du volcan. Elle rappelle aussi la mort en direct du lapin par la fouine.. Cruauté insupportable de paysan pour la citadine qu'est Ingrid Bergman, dans l'impossibilité de parler une langue commune avec qui que ce soit (l'enfant même se refuse à elle), sauf peut-être avec le prêtre que, perdue de folie, elle courtise presque (par habitude de guerre ?).
Scène de l'éruption. Suppositions : images préexistantes d'une éruption, plus fumerolles filmées sur les pentes, organisées et inclues par le montage avec une scène de fuite du village. Quelque pierres en feu seulement seront jetées dans les rues étroites et sur les habitants en fuite : le désir malgré tout de filmer sans intervention, de capter l'événement brut, de 'saisir'. Au contraire, de ce désir le trucage hollywoodien a fait totalement le deuil pour se tourner vers autre chose.