Maelstrom d’idées, de pensées, de style, Subconscious cruelty est avant tout un véritable plaisir cinéphile. Outre le dépaysement total que le film impose (quatre segments aux esthétiques complètement différentes, mais entretenant de nombreux liens), il est un vrai plaisir sensoriel. Malgré la violence des images, ce film est beau, tout le temps. Il n’y a pas un plan qui soit laid (à moins d’un désir particulier du réal, essentiellement dans la 3ème partie qui aborde la pornographie frontalement), l’ensemble du film bénéficie d’un soin notable dans l’image comme dans la bande son, taillée pour susciter l’évasion, l’absorption au cœur de Subconscious Cruelty. Le premier segment, exploration monstrueusement aboutie des pulsions morbides d’un premier personnage (entrant en résonnance avec de nombreuses questions sur la nature humaine que se posent les fans de trash), utilise donc de façon inattendue une esthétique très giallo, citant volontiers Suspiria et Inferno, et parvenant très bien à exploiter ce style malgré un budget qu’on devine limité. Le second segment, qui lui se rapproche nettement de la nature, donne plutôt dans le paysage, usant d’un psychédélisme presque hippie (que les nombreux symboles sexuels viennent provoquer le contraste). Le troisième, axé sur la pornographie, donne clairement dans le punk un peu plus expérimental. Enfin, le dernier segment, de loin le plus sulfureux (viol du christ par 3 succubes), bénéficie d’un mélange de style très cru, usant volontiers du montage psychédélique pour attiser la folie qui est déjà dans la scène. Personnellement, cette dernière partie me semble un peu longue, et l’aura blasphématoire de l’ensemble, malgré d’excellentes idées (le seul blasphème vraiment « intelligent » est de faire manger au Christ son propre corps, mise en abîme intéressante avec le culte catho), me semble un peu gratuites (certes, on détruit la religion comme base morale, mais pourquoi les succubes violent-elles les intestins du Christ ?). Bref, comme c’est résumé brièvement, mes lecteurs sauront que ce film est un peu olé olé, et qu’il n’est donc pas recommandé à tout le monde. Mais la richesse thématique de l’ensemble est infinie. La sexualité est évidemment prédominante dans l’ensemble du film, puisqu’on revient toujours vers elle, que ce soit en termes d’objectifs (l’acte le plus barbare dans le premier segment, la pornographie dans le troisième) ou symboliquement (les deux autres). La redondance de la matrice sexuelle féminine, quasi omni présente dans le film (dans le second, un trou boueux dans le sol devient vite une métaphore vaginale de la Nature) aborde énormément d’angoisses que les hommes éprouvent en face des femmes (notamment avec la menstruation, toujours gorrissimes (amusant de voir qu’il est l’un des rares à aborder frontalement le sujet, comme l’excellent Anatomie de l’Enfer)), expérimente sur la signification du viol, cherche des significations au plus profond de l’inconscient du spectateur… Rarement un film aura autant suggéré des interrogations au spectateur, laissant ce dernier en face de son inconscient et de ce à quoi il a déjà pu réfléchir sur la noirceur humaine. Si le premier segment est particulièrement subversif, le troisième l’est aussi beaucoup, dans sa représentation crue de l’onanisme et de l’addiction à la pornographie. Conclu par une scène choc qui devrait faire grimacer tout le public masculin, c’est clairement l’un des temps forts du film. En termes de codes de couleurs, le rouge est utilisé au cours de quelques séquences anatomiques pour l’hémisphère gauche alors que le vert semble plutôt réservé à l’hémisphère droit. Mais ce ne sont là que des détails parmi tant d’autres qui forment Subconscious Cruelty, qui n’a pas volé sa réputation de chef d’œuvre underground. Un chef d’œuvre qui parvient à rendre poétique une main gluante de sperme qui joue avec une ampoule électrique. A ranger aux côtés de Der Todesking dans la catégorie des films précieux…