Lorsqu’on scénarise un petit morceau de poésie comme Sur la route de Madison pour ensuite réaliser cette dégoulinante bouse qu’est l’adaptation du non moins médiocre P.S. I love you, l’on prouve être capable du pire comme du meilleur. Quoiqu’il en soit, le nouveau long-métrage de Richard LaGravenese, adapté d’un best-seller international et surtout se vendant – comme 4 ou 5 autres sagas ces temps-ci – comme le digne successeur de Twilight était l’objet d’une attente assez importante.

Et justement, il apparaît comme évident dès les premières minutes que Sublimes créatures cherche à se démarquer de l’univers lisse et trop parfait d’un Twilight. Même si l’on est pas au niveau de l’immersion procurée par des univers comme celui de True Blood, la flore caractéristique et l’accent chantant de la Caroline du Sud se font immédiatement remarquer, conférant au moins à cette nouvelle saga une identité propre, pleine d’aspérités que viennent renforcer un casting tout aussi intéressant, enfin en partie. Depuis quand n’avait-on pas vu dans un film adolescent une sélection d’acteurs avec une vraie gueule, loin des visages stéréotypés et carrures identiques dignes d’une couverture de Vogue ?

C’est le jeune Alden Ehrenreich qui mène le jeu. Repéré par Coppola, il a déjà Tetro et Twixt à son actif, avant ce rôle principal qui, si les adaptations de La saga des Lunes perdurent, se poursuivra probablement pour au moins 3 films supplémentaires. Si son physique ordinaire et une certaine maladresse peuvent surprendre, voire rebuter lors des premières minutes, l’on se rend compte qu’en réalité, on se laisse charmer par son humour foireux et son caractère affirmé qui constituent une véritable bouffée de fraîcheur après l’overdose de personnages idéalisés au regard sans âme auxquels nous avons eu droit dernièrement. Son humanité et son imperfection sont les bienvenues.

Si Alice Englert ne manque pas de charisme et se révèle même assez attachante par moments, l’on regrette son manque de caractère. Quand aura-t-on enfin un lead féminin qui envoie réellement du lourd dans une de ces sagas à succès ? Lena Duchannes est censée détenir un côté sombre (et casse-burnes) qu’on ne voit quasiment pas ressortir. Jeremy Irons, de son côté, ne sert pas à grand-chose et manque généralement de présence à se mesurer au personnage de Macon Ravenwood. Emma Thompson est souvent convaincante mais semble gâcher son talent. Petite mention pour Emily et Susannah, petites pestes dont le venin est fort appréciable lorsque le tout devient trop sirupeux.

Sirupeux certes, mais par intermittence. Le reste du temps, Sublimes Créatures sait se faire étonnant : serti de second degré, le film ne se prend clairement pas au sérieux, et c’est ce qui fait sa différence. Blagues incisives ou répliques cinglantes, certains dialogues, naturels et originaux, sont un délice et l’on se surprend à rire. Dommage que cela ne concerne qu’une partie de l’oeuvre, tandis que l’autre demeure ennuyeuse et sombre parfois dans le cliché à outrance.

Car après un premier quart d’heure très prometteur, Sublimes Créatures devient barbant dès que nos deux héros ont mis le grappin l’un sur l’autre. Et que leur histoire évolue dans un ennui marshmallowesque (histoire cependant plus vivante, naturelle et sympathique à voir que dans Twilight), tandis que les adeptes du livre se rendront compte avec horreur du nombre de personnages oubliés et de scènes éludées.

Ce sont donc au moins 3 ou 4 personnages secondaires qui tomberont sous le couperet de la simplification cinématographique. D’autre part, l’on aurait aimé que plus de soin soit apporté aux personnages de Geneviève d’une part, et Sarafine d’autre part ; deux femmes presque aussi importantes que nos deux personnages principaux qui pâtissent scandaleusement de l’adaptation. La déception ne cesse pas là puisque tout le phénomène de flash-back est singulièrement bâclé, tant au niveau narratif que technique. Il y avait tant à faire de ces retours dans le passé que cette paresse est impardonnable de la part de Richard LaGravenese qui préfère se focaliser sur la relation amoureuse entre les deux protagonistes principaux.

Cette paresse se ressent d’ailleurs régulièrement sur deux aspects. Tout d’abord, une narration linéaire, sans réel rebondissement, malheureusement source d’ennui à plusieurs reprises. D’autre part, des scènes d’action non soignées, tant par le jeu caricatural des acteurs qu’au niveau des effets spéciaux, si mauvais qu’il en deviennent ridicules (et qu’on rigole bien). De ce point de vue, on a le sentiment de visionner un téléfilm qui aurait au moins 30 ans et passerait sur M6 pendant les vacances de Noël.

Certains passages du livre auraient pourtant pu être mieux exploités, et de manière bien plus spectaculaire : phénomènes météorologiques, affrontements, attitude des personnages les uns envers les autres… mais le tout semble érodé, si bien que le film n’est à bien des égards qu’une pâle copie édulcorée des événements du livre. Enfin, si l’on apprécie une certaine dose de témérité lorsqu’il s’agit de s’éloigner de l’oeuvre originale, celle de Sublimes Créatures est souvent mal placée et fait les mauvais choix scénaristiques, avec des éléments de dénouement trop éloignés de ceux du livre par souci de gain de temps. Les adaptations cinématographiques de Harry Potter ont pourtant démontré que l’on pouvait fournir un excellent travail tout en demeurant fidèle à l’oeuvre, et il est douloureux de comparer le travail fourni sur ces deux adaptations tant l’écart de qualité est important.

L’ensemble manque parfois cruellement d’émotion et d’action, s’attardant sur des passages verbeux sans grand intérêt. Et si l’on excuse les effets spéciaux moisis en préférant se concentrer sur le second degré et la personnalité parfois forte de Sublimes Créatures, l’on s’ennuie trop souvent pour ne pas être déçu.
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le 20 févr. 2013

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