S'appuyant sur une histoire sordide et malsaine, Hitchcock parvient à affubler Vertigo de tous les oripeaux du songe transcendant qui tourne au cauchemar. Si un peu plus de la première heure ne se révèle finalement être qu'une longue introduction à l'atmosphère lancinante et fascinante, c'est pour mieux permettre au spectateur de rejoindre le personnage principal dans son errance obsessionnelle, ou culpabilité et passion inassouvie s'entremêlent pour accoucher d'un final parfait en tous points.
Si Vertigo vieillit, il ne s'affadit pas. Chaque visionnage est comme une nouvelle distillation. On en ressort toujours autant enivré, mais avec une meilleure appréciation de sa texture, de ses effluves visuelles entêtantes. Son rythme, aussi lent qu'hypnotique, ferre et emporte irrésistiblement. James Stewart comme toujours est immense, Kim Novak bluffante dans la bascule de son jeu qu'elle parvient à opérer. La musique emblématique, la photographie nimbée d'une lumière évanescente... Tout frôle la perfection. De fait, Vertigo se bonifie grâce au spectateur qui apporte chaque fois un peu plus de lui même, mieux à même de s'investir une fois de plus dans l'oeuvre du maître, ici des névroses passionnelles et non du suspens.
Il y aurait beaucoup plus à dire sur Vertigo. Son scénario est objectivement sa plus grande force, pas par ses mystères ou un retournement de situation désarçonnant, bien plus par la possibilité qu'il offre au spectateur de s'investir dans le ressenti des personnages. Car c'est bien là que Vertigo gagne son statut légendaire : sa capacité à imprimer sur le public les névroses de ses protagonistes. La sensation de flottement douloureux qui persiste après le visionnage, c'est la marque au fer rouge de Vertigo.
Et le plus incroyable, c'est qu'on en redemande.