Doublé de l’éternelle interrogation eastwoodienne sur la figure du héros, Sully est une merveille de biopic dépouillé, construit comme un doux cauchemar éveillé qui se répète et se déforme, un feel good catastrophe movie comme seul Eastwood pouvait en offrir. Le film s’ouvre d’ailleurs sur un cauchemar : On est dans le cockpit de l’avion, Tom Hanks est aux commandes, comme prévu, sauf qu’il rase les buildings, la chute semble imminente et… l’avion s’écrase. Le film a déjà réussi à nous secouer en trente secondes d’un faux crash. Quand le pilote se réveille on imagine que cette vision inconsciente agira comme une prémonition, façon Destination finale, mais Eastwood est plus intelligent que ça. En fait, ce rêve intervient après son amerrissage miraculeux, Chesley Sullenberger est assaillis par les doutes. Car malgré l’issue héroïque, l’affaire du vol 1549 US Airways soulève tout un tas de questionnements, que la commission d’enquête ne manque pas de rappeler. C’est que Sully a choisi, dès l’instant que les deux moteurs de son avion sont hors service, d’amerrir sur l’Hudson tandis que chiffres et simulations le contredisent : L’avion pouvait un, revenir à La Guardia, deux, atterrir en urgence à l’aéroport de Teterboro, dans le New Jersey. Et Sully, bien qu’acclamé héros par la population doute de son choix, du bien-fondé de sa prise de risque (Il avait entre ses mains et ses choix la vie de 155 passagers) c’est toute la complexité d’un film qui ne crée pas réellement de camps (Les inspecteurs de la commission eux aussi font leur boulot) mais gomme la traditionnelle figure héroïque du film américain, lui donne cette épaisseur moderne que Zemeckis offrait au sien dans Flight que certain ne manqueront pas de rapprocher de Sully. N’importe qui se serait planté avec un sujet pareil – Comme n’importe qui se serait planté avec American Sniper entre les mains. Mais pas Eastwood. Qui prouve 86 balais au compteur, qu’il est encore un grand humaniste capable de créer un héros ordinaire (Qui a fait le job tout en ayant le réflexe lucide de faire mieux que le job – Il est l’anomalie qui mène au miracle) et de donner un visage à chacun de ceux qu’il a sauvé – Sublime scène téléphonique père/fils séparés par le fleuve. Les séquences en avion sont d’une puissance hallucinante alors qu’elles sont très simples dans leurs enchaînements, idem pour les effets spéciaux et idem pour New York filmée comme on l’a rarement vu. Et la construction qui pourrait être hasardeuse et foutraque s’avère brillamment orchestrée et pertinente. Grand film.

JanosValuska
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le 20 janv. 2017

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