J'ai eu l'impression de faire une promenade sur Flickr, où les jeunes filles ont des robes qui ont appartenu à des vampires, vivent en lisière d'une forêt sombre et propre, font des cheesecakes pour leurs amis virtuels et se tranchent les veines à la nuit tombée de telle sorte que les gouttes de sang, en tombant sur le carrelage étincelant, dessinent des idéogrammes contenant le sens de leur vie, que leurs pères décrypteront pour elles le lendemain matin autour d'un petit déjeuner composé uniquement de fruits frais. J'ai du mal à imaginer plus grossier, en même temps cette grossièreté va de paire avec une maîtrise étouffante, guindée, pleine de mouvements de caméras embarrassants. Bizarrement, cette grossièreté, je l'accepte (avec grand plaisir) quand le geste lui-même est grossier (je pense par exemple au China Girl de Ferrara). Là, il y a un tel grand écart entre la gaucherie du propos et la sophistication (façon Mylène Farmer) de l'imagerie déployée, que je m'ennuie à pleurer. Parce qu'au fond, je pourrais très bien rire et m'amuser de ce que la jeune fille un peu gauche, en entrant pour la première fois chez son amie lesbienne, enfonce son doigt dans un gros coquillage ; et qu'ensuite, après avoir fait l'amour avec elle, elle se retrouve à caresser le manche de pilotage d'un avion, ça pourrait me satisfaire totalement ; mais le symbolisme annule par sa lourdeur la possible délicatesse de la mise en scène, et cette mise en scène, si délicate qu'elle en devient mortifère, frigidifie tous les symboles au lieu de les exalter.