Michael Cimino est un homme doué d'une vision de la vie âpre et nihiliste, et Dieu sait que ses films sont rarement reposants. "Sunchaser", malgré sa gravité en arrière-plan, est un film léger, comme la brise qui passe par la fenêtre quand vous êtes sur la route des vacances.
Le film suit l'itinéraire mental du Dr Reynolds, un psychiatre à la vie étriquée et qui ne se pose pas de questions sur ses patients. Sa vie change à partir du moment où il est enlevé par Blue, un métis navajo gangsta en phase terminale qui veut retourner à la réserve dont il a un souvenir d'enfant et rencontrer un sorcier indien.
Le duo d'acteur fonctionne très bien, et Woodie Harrelson est très drôle au départ, avec ses lunettes et son air pincé de chat fâché. Il n'y a que les flash-back qui soient un peu longs (Reynolds a débranché son petit frère quand il était jeune). La musique est emphatique, mais bizarrement ça marche très bien. J'ai honte, mais le thème "What a difference a day makes" par Esther Philips me fait triper et va bien avec le "lâcher-prise" auquel Woodie Harrelson s'abandonne. On a vraiment envie de faire comme lui et de tout envoyer paître. C'est peut-être ça, être un vrai Américain. ^^
Le film est un road-movie, d'accord. Il y a une galerie savoureuse de personnages. Il y a une serveuse au décolleté invraisemblable ; il y a une bagarre avec des bikers (je n'ai pas spoilé beaucoup en le disant) ; il y a du rap gangsta qui aujourd'hui semblerait presque naïf ; il y a une magnifique indienne avec un fusil à pompe ; une barge dans un minivan ; et j'en oublie (car je rédige cette critique de mémoire, plus de trois mois après mon visionnage).
Mais ce n'est pas que cela. On dirait que Cimino s'est permis d'improviser des scènes improbables, s'ôtant toute limite. Et donc : descente dans un lit de rivière asséché entouré de cowboys à cheval ; serpent à sonnette ; etc...
Mais la force principale de ce film, qui n'est pas tant, comme on serait tenté de le dire, une initiation chamanique qu'une récréation, repose sur un personnage bien plus importants : les paysages américains comme on ne les voit jamais. C'est peu dire que le génie de Cimino pour trouver des extérieurs connus de lui seul éclate ici. De ce point de vue, c'est "The deer hunter" puissance 2. Surtout, à la différence d'un Wim Wenders, qui recherche dans les paysages américains les fantômes cinégéniques du cinéma antérieur, Cimino ne choisit pas ses extérieurs parce qu'ils racontent des histoires, mais simplement parce qu'ils ont un souffle et parce qu'ils sont beaux. Il les respecte ; il ne les inclue pas dans une dramaturgie : il les offre à la contemplation. De ce point de vue, "Sunchaser" est un film trop court.
Pourquoi pas 10 ? Parce que la bagarre avec les bikers était quand même un peu prévisible. ^^ Mais inutile de dire que ce film m'est cher et que je le reverrai souvent. Merci à celui qui me l'a offert pour mes 31 ans.