"Sunhi" (ou plutôt "Notre Sunhi", selon le titre original bien plus pertinent) est l'un des films de Hong Sang-Soo qui peut le plus justifier la comparaison habituelle - et assez paresseuse - avec Eric Rohmer : nous suivons en effet la jeune et passablement irritante (comme une héroïne rohmerienne) Sunhi dans ses rencontres croisées et un tantinet manipulatrices avec trois hommes, tous trois plutôt veules, et finalement assez minables. Et, suivant notre appétence pour ce genre de cinéma furieusement conceptuel et pourtant remarquablement juste humainement, nous nous délecterons ou nous nous désespérerons devant ce petit théâtre dérisoire de mensonges, de faux-semblants, ou simplement d'illusions aussi naïves que délétères. Hong Sang-Soo "alcoolise" bien entendu lourdement les confrontations de ses quatre personnages, comme pour nous en révéler encore mieux la vacuité : cette "révélation" n'est heureusement en rien surplombante, ni moraliste, Hong Sang-Soo étant, on le sait, un cinéaste profondément humaniste, jusque dans son humour légèrement piquant. Le joli "twist" de "Sunhi", c'est la répétition des lieux et des scènes (le bar, le poulet,...) dans des configurations différentes, qui pointe combien nous ne faisons souvent que rabâcher des idées et des expressions que nous venons d'entendre (le fameux "il faut creuser...") dans nos babillages finalement vides de sens. Tout cela pourrait être facilement sinistre, si Hong Sang-Soo n'avait la brillante idée d'une dernière scène très réussie, et justement très rohmerienne, réunissant ses personnages dans une ambiance de vaudeville léger au sein d'un décor à la beauté lumineuse. Mais à la différence de Rohmer, Hong Sang-Soo choisit la disparition de son héroïne, lui évitant la confrontation fatale, et nous laissant malicieusement "en plan", et bien incapables de tirer de cette comédie ne serait-ce qu'un proverbe. [Critique écrite en 2017]