Suntan est un film sortant en toute discrétion, sans faire de vagues. L'affiche sent bon l'été et les vacances sur la plage sous un ciel bleu éclatant. Cela semble léger, sauf qu'il est interdit au moins de 12 ans. Pour en découvrir la raison, il vous suffit de voir ce long-métrage grec qui va surement vous mettre mal à l'aise.
Pour les fêtes de noël, Kostis (Makis Papadimitriou) devient le nouveau médecin d’Antiparos, une petite île grecque de 800 habitants. C'est un homme quarantenaire et solitaire. Ses journées ressemblent à toutes les autres, jusqu'à ce que la population de l'île augmente fortement avec l'arrivée des touristes durant l'été. Dans son cabinet, il va faire la connaissance d'Anna (Elli Tringou) et de ses amis(es). Ils vont se lier d'amitié, il va retrouver la fougue de ses 20 ans à leurs contacts et cette parenthèse enchantée sera le début de sa fin.
Il se dégage quelque chose de malsain chez Kostis. Il a beau rester dans son coin, en évitant de côtoyer le vieux beau misogyne du coin, de ne pas céder à la boisson, d'être disponible et avoir un côté gros nounours, on ne peut s'empêcher d'être sur ses gardes face à lui. C'est peut-être un jugement hâtif, ou alors c'est dû à sa ressemblance avec François-Xavier Demaison, mais son regard me dérange. De plus, on ne sait rien de lui, il ne semble pas avoir de famille et d'amis, bref c'est un mystère. Cette île semble être un moyen d'oublier son passé et de commencer une nouvelle vie, mais peut-on aspirer à devenir quelqu'un d'autre, alors qu'on souffre en silence, tout en espérant qu'une innocente main tendue va nous sortir de notre immense misère affective.
La parenthèse estivale semble rafraîchissante. C'est l'été, les gens sont joyeux et se prélassent au soleil, avant de se rendre en soirée et de faire la fête jusqu'au bout de la nuit. Kostis va redécouvrir cette vie grâce à Anna et ses amis(es). Ils sont jeunes et insouciants, alors qu'il a des responsabilités en tant que seul médecin de l’île. Peu importe, il reprend goût à la vie, se met à sourire et semble enfin heureux. Pourtant, il n'en reste pas moins pathétique, un homme quarantenaire passant son temps avec des jeunes ayant la vingtaine, cela à quelque chose d'anormal. Notre esprit est peut-être étroit, l'amitié ne devrait pas avoir de barrières, mais quand l'amour s'emmêle, alors cela peut vite déraper.
Cette relation fait penser à la Lolita de Vladimir Nabokov. Le malaise devient de plus en plus palpable. Kostis ne semble pas avoir d'orgueil et s'accroche piteusement à cette nymphette ne pensant qu'à s'amuser. Cela vire à l'obsession, il en devient négligent et va tenter de se rattacher au vieux beau dégueulasse. Ce dernier est un être humain exécrable, mais on sait à qui on a affaire. Il ne cache pas son jeu, au contraire de Kostis. C'est un homme dangereux, un faux gros nounours mais un vrai monstre. Le film en devient dérangeant et on se demande jusqu'où va nous emmener le réalisateur Argyris Papadimitropoulos. Après nous avoir séduit par la beauté de cette île, de ses corps nus se mouvant sur la plage et par la beauté d'Anna. Il va casser ce faux hymne à l'hédonisme et en faire une lente plongée dans l'enfer de la solitude d'un homme en rupture avec la société.
Suntan est un film surprenant. On ne s'attend pas à vivre une telle expérience, de passer d'une sorte d'état de bien-être, avant de basculer dans l'horreur. C'est une belle découverte, même si on en sort décontenancé et frustré par sa fin des plus brutale.