Malgré le soleil, l'eau claire et les belles plages, c'est dingue comme ce film est sombre, cruel et finalement parfaitement plombant. Pourtant, l'ile d'Antiparos a toutes les ressources naturelles d'un paradis pour vacanciers. Mais après une brève introduction, au cours de laquelle on a tout de même le temps de prendre conscience que c'est un trou paumé et pluvieux en hiver, le spectateur bascule vite sur le mois d'août et son ambiance digne des "Bronzés". Mais des "Bronzés" du début du 21ième siècle. Et il s'en est passé des choses, en 30 ans. Et de toute évidence, ça ne fait plus rire du tout le cinéaste Papadimitropoulos.
C'est là qu'entrent en scène les deux parties prenantes de l'intrigue. A ma gauche, Kostis, médecin de l'ile depuis quelques mois, la quarantaine, chauve, bedonnant, taciturne, dont on devine qu'il a plus ou moins à peu près tout raté dans sa vie jusqu'ici. Ah, on peut dire qu'ils ne l'ont pas loupé le Kostis, lorsqu'il se pointe sur la plage avec son bermuda, son bob, sa palatine et sa crème à bronzer. Médecin dévoué et plutôt compétent pourtant, jusqu'à ce qu'il pète un câble suite à sa rencontre avec nos "Bronzés".
Et ma droite, nos "Bronzés", justement. Jeunes, beaux, pas coincés, ils se pointent sur l'ile pour s'éclater sans limites pendant un mois, un summerbreak en quelque sorte, avant sans doute de s'en retourner à leurs écoles de commerce ou à leurs startups. Ils ne sont pas vraiment méchants et même souvent plutôt rigolos. Mais il va sans dire que de Kostis en particulier, et d'Antiparos en général, il n'en ont rien à battre. C'est juste un somptueux décor dans lequel ils viennent prendre leur pied. Empathie zéro donc, intelligence guère mieux. Enfants d'Erasmus, ils sont de plusieurs nationalités européennes, bien sur. Notre chère vieille Europe, comme dirait Cantat, ou bien encore une vivante incarnation du "monstre doux" de Raffaele Simone.
On se doute bien que tout ça ne peut pas bien finir. Et ce sont les circonstances souvent cruelles de cette confrontation qui donne à "Suntan" son côté si désespéré. Et ça fonctionne d'autant plus qu'à côté de cela, le film est bien construit, bien réalisé et les personnages (y compris les seconds rôles) sont bien interprétés et donc assez convaincants. Du coup, j'en suis sorti en demandant si tout ça n'était finalement qu'une manière de nous faire partager le regard que nombre de grecs portent aujourd'hui sur l'Europe ?