Super, c’est la violence face à la violence. Là où Defendor donnait dans l’émotion, la justesse, Super rejoint le côté violent, pulsionnel et dérangeant du super-héros (si ce côté est censé exister !). Frank est certes un gros loser qui garde comme souvenir sa vieille délation sur un voleur auprès d’un flicard en pleine journée, un lâche, une flipette, mais lorsqu’il devient Crimson Bolt, il développe un côté absolument violent et démesuré. Politiquement incorrect ? Oui. Malsain à souhait ? Complètement. Crimson Bolt va donc combatte le crime avec son slogan « Shut up crime! », armé d’une clé à molette et dès qu’il verra la moindre injustice, l’once d’irrespect, le petit côté méchant des gens, il va donner tout ce qu’il a et fera abattre sur ses victimes de lourdes violences physiques et verbales. Un couple qui passe devant tout le monde dans une file ? C’est pour lui, et il va littéralement les défoncer.


Son côté vengeur, il l’a développé grâce (à cause ?) de sa femme et de son salopard de dealer. Cela dit, lorsqu’il faut se coller à Jacques (le dealeur) et ses hommes de main, là, c’est nettement plus compliqué que de se frotter à de pauvres citoyens qui n’ont rien demandé à personne. Frank est un pauvre mec, situation minable, vie minable, physique peu racoleur, sa seule raison de vivre, c’était Sarah, sa femme, qui préfère carrément un trafiquant de drogue plutôt que de rester avec son con de mari. Elle tombe dans la drogue, elle crève à petit feu. Frank doit inévitablement la sauver. Il crée donc son personnage, Crimson Bolt, une sorte de super-héros avec un costume rouge ridicule, s’inspirant de comics et adulé par sa comparse, la névrosée et nymphomane Libby, devenue elle Boltie, en costume tout aussi ridicule jaune et vert. Cependant, son côté obscur à elle, c’est plus les penchants sexuels, les pulsions, elle prend des poses volontairement sexy dans son costume devant Frank. Ce dernier est d’ailleurs plus un vengeur complètement déphasé qu’un véritable super-héros avec des principes. Héroïsme ? Zéro. Bienfaisance ? Néant. Tout se veut pathétique et dramatique dans Super, tant dans les personnages que dans les événements qui s’enchaînent. C’est immoral et on ne nous manque jamais de nous le rappeler.


A tort, et à l’instar de Defendor, on tient à ranger Super dans une case, à prouver qu’il y avait Kick-Ass avant lui (Super a été écrit antérieurement)… Mais aucune ressemblance là encore avec le plus que connu Kick-Ass. Alors évidemment, on retrouve une personne qui en a marre de se faire marcher sur les pieds, une personne normale voire un peu loser, qui, à grands renforts de comics se transforme en justicier plus ou moins réussi, mais la similarité cesse maintenant. Là où Kick-Ass s’adresse à une communauté jeune, Super convient à un public adulte, mûr et résolumment averti. Un peu comme Defendor alors ? Et bien, pas vraiment, vu que le traitement de l’histoire, la mise en scène et la psychologie des personnages ne sont absolument pas les mêmes ! Defendor est dramatique, tout comme Super, mais là où notre Defendor s’en prenait à ceux qui l’avaient vraiment mérité, Crimson Bolt répartit toute sa haine sur ses pairs, faisant ressortir un côté vraiment dégueulasse, haïssable du personnage. Le faisant passer pour le véritable connard qui se prend pour un Dieu car il a un super-héros. Tout est une histoire de prétexte dans Super. Le héros est un loser bien grinçant qui montre le côté le plus pernicieux de l’humain, sans jamais ressentir d’émotions, ni encore moins de remords. Bref, on s’en prend plein la gueule, et l’Amérique est en tête de file : nation suprême des super-héros, c’est aussi là que naît Crimson Bolt, le revendiqué super-héros qui ne sait pas ce qu’est la justice, qui ne sait pas tempérer et surtout, qui ne connaît pas le mot sacrifice.


Quoique… La fin me ferait peut-être oublier la dernière partie de ma phrase précédente. Là où on avait été habitués à du violent, du pathétique, de l’horrible, du malsain tout au long du film, le dénouement tragique (et en même temps heureux ?) est tellement révélateur du sacrifice que fait Frank pour l’amour de sa femme, Sarah. Même s’ils ne peuvent pas rester ensemble, qu’ils n’ont surtout rien à foutre ensemble, celui-ci veille sur elle et préfère son bonheur plutôt que de la garder et la retenir égoïstement. La fin est donc triste et tellement belle dans un autre sens qu’elle nous met le cul par terre. Frank ne révèle que véritablement son côté humain et altruiste pour Sarah, l’amour de sa vie. Alors oui, c’est carrément bancal et en désaccord avec cette volonté de nous montrer ce qu’il y a de plus pourri chez l’humain, mais c’est une sorte de fin salvatrice qui nous prouve que même si on est le pire des salauds, on peut toujours se racheter ? Utopique, je l’avoue. Mais c’est la seule explication que je puisse fournir.


Alors au-delà de faire passer Batman et ses acolytes pour des cons qui sont trop sages, Super a appuyé là où ça faisait mal : un héros, et surtout un super-héros, ça peut être aussi dévastateur qu’un criminel. Lui, il n’a aucune légitimité à se montrer sous une forme de justicier, et ça ne l’empêche pas pour autant de le faire. La preuve en est dans les faits et gestes de Crimson Bolt : celui-ci a un prétexte pour péter la gueule de n’importe qui, et limite, ses actions sont d’autant plus impardonnables et inacceptables que celles de Jacques, le « pauvre » dealeur qui a piqué la femme de Frank. C’est grâce aux performances d’acteurs de Rainn Wilson et Ellen Page que ce fiasco héroïque a pu se dérouler dans de bonnes conditions : ils campent des personnages haut en couleur, qui dans leur croisade et leur petite vengeance personnelle se montrent particulièrement pourris. Rainn Wilson est en effet bon dans son rôle de loser, puis sans vouloir être méchante, il a le physique de l’emploi, les mimiques pour interpréter ce loser. Quant à Ellen Page, elle nous montre une fois de plus que les personnages peu consensuels, marginaux lui vont comme un gant. Libby/Boltie est spécialement taillé pour elle. Quant aux acteurs secondaires, Kevin Bacon dans le rôle du dealer, on voit bien que ce n’est pas le rôle de sa vie, et pourtant, il s’éclate, il prend plaisir à jouer un gros con presque excusé par rapport aux agissements de ses ennemis, les « gentils ». Liv Tyler, elle qui m’énerve à chaque fois est plutôt pas mal. On la voit peu, même si c’est de sa faute si tout cela arrive. C’est peut-être pour cela que j’arrive à l’apprécier : parce qu’on la voit guère...


Pour résumer, Super est un bon film sur les apprentis super-héros losers qui sont animés par la vengeance et par le licencieux. Les combats glauques et ultra-violents sont ponctués par des onomatopées nous rappelant le côté cartoon des super-héros. La musique est assez cool, notamment celle de la scène d’introduction. Puis, franchement, ce genre de traitement absolument névrosé est assez savoureux. Mais ne sera certainement pas de tous les goûts.

Szagad
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le 8 déc. 2015

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