Réalisé par James Gunn, auquel on doit l'immonde Scooby-Doo mais les sympathiques L'armée des morts et Horribilis, nous revient avec un buzz-movie à base de real-life superheroes, thème abordé avec Mystery Men, Defendor et Kick-Ass. Une nouvelle révélation ou un coup dans l'eau ?
Frank (Rainn Wilson), un homme banal, verra sa vie basculer lorsque sa femme, Sarah (Liv Tyler), une ancienne toxicomane, le quittera pour aller dans les bras de Jacques (Kevin Bacon), un baron de la drogue. Bien décidé à ramener l'ordre et récupérer sa femme, il se transformera en Crimson Bolt, un super-héros sans super-pouvoirs, mais plein de bonnes intentions.
Super, malgré son budget anorexique de 2,5 millions de dollars, avait réussi à créer le buzz en ne laissant filtrer que peu d'images, un court trailer, et surtout en alléchant le public avec un casting des plus resplendissants. Malheureusement, à l'inverse de Defendor, dont il se rapproche, il ne réussit ni à faire rire, ni à émouvoir. Notre héros est diaboliquement con, plus que Defendor, mais surtout légèrement psycho sur les bords, le ton étant donné quand il éclatera avec une clé anglaise la tronche à un couple qui coupe une file d'attente. Sa partenaire, Boltie (Ellen Page) qui faisait office de sex-toy grandeur nature et rouage qui fit tourner le buzz, ne déboulera qu'au bout d'une heure de pellicule, nous titillant en prenant des poses sexy en costume, pour faire finalement retomber totalement l'érection, son personnage n'étant qu'une psychopathe écervelée qui s'empressera d'user de son masque pour aller ouvrir le crâne de son ex.
Les deux tiers de la bobine sont passés, pas une fois on a ri, si ce n'est lors des interventions de Nathan Fillion aka The Holy Avenger, affublé d'un costume ridicule, tranchant littéralement avec son habituel stoïcisme, mais pire, on s'est vraiment fait chier et on se demande où le réalisateur a voulu nous conduire.
On a bien une certaine part de violence gratuite comme on en avait dans Defendor et Kick-Ass, mais cette fois-ci bien trop prononcée, plongeant presque dans le registre de Machete ou Hobo with a Shotgun, nous donnant l'impression que James Gunn, le scénariste et réalisateur, ne savait pas sur quel pied danser, bouffant à tous les râteliers des films hype de real-life superheroes, mais n'en prenant que les défauts et en laissant les qualités. Scott Pilgrim a attiré les geeks avec ses onomatopées en incrust, autant le faire, mais en moche, pour faire indé et plaire aux hipsters.
Bref, Super est un patchwork un peu bordélique de tout ce que l'on a pu voir récemment, servant une violence inutile pour combler les vides, et reflétant surtout une image très largement négative du comic-nerd, prêt à devenir un dangereux psychopathe dès que l'anonymat le lui permet. Si l'avait été moins ancré dans le réel à la façon de Machete ou Hobo, on aurait certainement pu accrocher, or là le réalisateur n'installe aucune frontière, imposant un climat malsain et dérangeant, et poussant sans cesse le spectateur à se demander s'il lui est permis de rire ou non. Un autre point sur lequel on s'interroge après visionnage, le film semble avoir été fait à l'envers, car le dernier quart d'heure est jouissif, décomplexé, mené tambour battant, gorgé d'émotions, et conclu par une morale sympathique, des qualités en totale opposition avec le reste de l'oeuvre, mais qui nous conforte sur un point, Super n'est absolument pas une comédie.
Rainn Wilson et Ellen Page, qui faisaient partie du casting dont on espérait beaucoup ne font que surjouer d'une façon assez horrible, lui faisant constamment des duckfaces lorsqu'il porte son masque et nous donnant un avant-goût de Rise of the Planet of the Apes et elle hurlant en sautillant comme une hystérique, rendant la chose encore plus indigeste. Etait-ce fait pour être volontairement mauvais comme un grindhouse-movie Made in Rodriguez ? On ne sait pas, et c'est encore une fois ce fossé entre sérieux et foutoire qui vient enfoncer cette impression d'anarchie sur le plateau, un peu comme si les acteurs avaient été massivement shootés à la coke puis livrés à eux-mêmes sans personne pour les diriger.
Hormis sa longue liste de défauts, le film peut néanmoins se targuer d'avoir à son bord Kevin Bacon, brillant, qui avec X-Men: Le Commencement semble être le nouveau super vilain en vogue à Hollywood. Certaines références, bien qu'enfonçant le côté malsain, sauront attirer l'oeil de l'amateur, dont celle directe à Urotsukidoji (sodomite tentacles), mais aussi Trauma's War, B-movie des années 80 à base de real-life superheroes. Les effets-spéciaux, malgré le budget limité n'ont également pas à rougir, le gore étant très souvent détaillé et les explosions faites à l'ancienne, chose bien plus appréciable que de la pyrotechnie composée sous After Effects. La bande-originale quant à elle vient aussi épauler l'oeuvre de façon efficace, nous servant du Cheap Trick, The Ark ou encore du Eric Carmen, sans oublier la bande-son orchestrée par Tyler Bates, oscillant entre l'electro-pop et le mélancolique, rappelant beaucoup celle qu'il avait composé pour Watchmen, mais collant plutôt bien au personnage pathétique de Franck.
Un constat amer, certes, très certainement influencé par le buzz démesuré qui nous faisait espérer quelque chose de supérieur à Defendor et Kick-Ass réunis, mais nous rappelant que production indé ne veut pas forcément dire plat de gourmet, tout comme blockbuster ne signifie pas forcément navet pour attardés. Néanmoins qu'on ne s'y trompe pas, Super n'est pas une purge sans nom, mais simplement quelque chose qui laissera dubitatif et partagera le public. Un sentiment similaire à celui ressenti avec A Serbian Film, mais qui à l'inverse n'avait pas trompé le client sur la marchandise, évitant donc tout quiproquo.
Pour conclure, l'oeuvre devrait bien plus plaire aux amateurs de gore qu'aux friands de comédies bon enfant, ceux-ci risquant de déchanter très rapidement, et il va de soit que le film sera hautement déconseillé aux moins de 14 ans (crânes éventrés, corps démembrés, weird sex-scene...).
Mention spéciale pour Kevin Bacon, qui à l'inverse du reste du casting donne de la saveur à son personnage, en le creusant un minimum, et évitant toute forme de cabotinage mal placé.