Straight Outta Brooklyn

Une adaptation qui revient de loin

1993 n'était définitivement pas une année comme les autres. D'abord, car c'est l'année de naissance du futur trentenaire que je vais devenir. Celle où a vu le jour l'un des plus grands films de tous les temps qu'est Jurassic Park. Et l'année de sortie d'un autre long-métrage qui aura lui aussi marqué les esprits, mais pour les mauvaises raisons. Le film Super Mario Bros qui fut parmi les toutes premières adaptations d'un jeu vidéo au cinéma. Et qui aurait pu être la dernière pour le plombier tellement il fut nanardesque et hors de propos vis-à-vis de la franchise. Un échec critique et commercial sans précédent qui aura convaincu Nintendo de ne plus remettre les pieds en salles obscures durant les 30 prochaines années.

Ce qui nous amène en 2016 avec les premières discussions sur un nouveau film Mario par son propre créateur Shigeru Miyamoto. Mais cette fois-ci, en animation 3D et produit par le studio français Illumination. Une annonce qui m'avait autant rassuré qu’inquiété. Rassuré, car avec le grand manitou aux commandes, ça devrait éviter quelques dérives. D'autant plus que les membres du studio à qui l'on doit la franchise de films Les Minions sont loin d'être des amateurs. Mais mon inquiétude principale demeurait au sujet du casting. En particulier le choix de Chris Pratt pour le doublage anglophone de Mario que je ne comprends toujours pas aujourd'hui. Et surtout le fait que Charles Martinet, la voix régulière du plombier depuis 1996 dans les jeux, ne double même pas son propre personnage à l'écran. Même si à contrario, je n'avais rien à redire sur le choix de certains acteurs comme Anya Taylor-Joy en Peach, et Jack Black en Bowser.

Puis vint le premier teaser du 6 octobre 2022 qui aura balayé presque toutes mes craintes. Nous plongeant directement dans l'ambiance avec d'abord un Bowser s'imposant en conquérant. Puis la séquence d'après avec Mario qui atterrit au sein d'un Royaume Champignon qu'il ne connait pas encore, aux côtés de Toad. Après ça, ce film est devenu instantanément ma plus grosse attente ciné de l'année. Et je n'ai cessé de compter les jours jusqu'à ce 5 avril 2023.

Straight Outta Brooklyn

En presque 4 décennies, Nintendo n'avait jamais pris le temps de développer les origines de Mario et sa clique à travers les jeux. Chose qu'a tentée la première adaptation de 93. Et que ce dernier film aura repris en partie. Avec des frères originaires du quartier New-yorkais de Brooklyn. Vivants sous le même toit que leurs parents et leurs oncles. Et tentant tant bien que mal de gagner leur croûte en tant que plombiers. Une vie des plus ordinaires et pas des plus passionnantes pour nos deux frères, mais qui va vite basculer au moment où ils seront transportés malgré eux dans un monde totalement différent du leur. J'ai trouvé ça intéressant d'avoir creusé un peu plus leur histoire, et mettre en avant la complicité fraternelle qui les unit. Ce qui les rend d'autant plus attachants.

Bienvenue au Royaume Champignon

On en a déjà eu un aperçu dans les différents trailers et images promotionnelles. Et le visionnage du film a confirmé mes premières impressions. Ce film Super Mario est d'une beauté sidérante. Illumination a vraiment fait des merveilles en termes de modélisation, d'animation, et de colorimétrie. On reconnaît parfaitement l'univers des jeux même s'il est légèrement moins fantaisiste. Exit les nuages avec des yeux par exemple. Il en va de même pour les différentes créatures et personnages dont leur chara-design est très proche du matériau de base.

Ça me fait même fantasmer d'un jeu Mario au rendu visuel similaire. Même si connaissant la firme et leur hardware souvent en décalage, il faudrait au moins 2 générations de consoles (10 à 15 ans) avant de parvenir à un tel résultat.

Super Princess Peach

La plupart des jeux Mario ne sont pas réputés pour avoir une histoire très élaborée. Excepté les spin-offs constituant les Paper Mario, ou les Mario & Luigi pour ne citer qu'eux. Cela se résumait à parcourir le Royaume, délivrer la princesse Peach des griffes de Bowser, et basta.

Ici, le scénario ne vole pas haut non plus, mais se permet quelques libertés. La principale étant le traitement de Peach qui, pour le coup, diffère totalement des jeux. Au point où le film aurait presque pu s’appeler Super Princess Peach, le film. C'était une de mes grosses surprises de cette adaptation. Puisqu'elle se détache totalement du personnage de la princesse en détresse qui lui collait à la peau depuis si longtemps. Même si la toute fin de Super Mario Odyssey annonçait déjà une évolution du personnage dans ce sens. C'est même elle qui motivera les troupes pour faire face à Bowser. Et se chargera de coacher un Mario encore débutant, dans une sympathique séquence de plateformes assez "Rocky" dans l'âme.

Il faut sauver le soldat Luigi

Cette fois-ci, la personne à secourir est Luigi. Qui n'a pas eu autant de chance que son frère aîné en débarquant non pas au paradisiaque Royaume Champignon, mais directement en enfer à la porte de Bowser et ses sbires. Dans une séquence me rappelant les jeux Luigi's Mansion. Puisqu'on y retrouve le Luigi attachant et couard qui a peur de tout, mais sans les fantômes. D'ailleurs, je paierais cher pour voir un film adapté de ces aventures en Manoir.

Le Roi Bowser

Avant même qu'il sorte en salles, Bowser était la raison numéro 1 pour laquelle je voulais voir ce film. De par son passage dans le premier teaser qui avait marqué les esprits, dont le mien. En ne faisant qu'une bouchée du royaume des Pingouins qui ne manquèrent pas de bravoure. Et aussi son doublage impeccable en VO tout comme en VF. Respectivement par Jack Black et Jeremie Covillault (voix de Benedict Cumberbatch entre autres).

Et après visionnage, il est sans conteste le meilleur personnage de cette adaptation. Encore plus imposant et menaçant que dans les derniers jeux de la franchise. Mais également encore plus obsédé par la princesse. Un amour à sens unique qui s'est matérialisé par la séquence désormais culte où il déclare sa flamme à sa "Peachounette" en chanson.

Casting

Pour une adaptation d'une licence aussi connue et lucrative, il aurait été facile de laisser des "stars" s'occuper du doublage français. C'était une de mes craintes avant le premier teaser du film Mario. Et c'est ce qui va arriver pour le film d'animation Le Destin des Tortues Ninja qui sort en août. Avec parmi d'autres, Anne-Claire Coudray la présentatrice du JT de TF1. Sérieusement..

Au final et au grand soulagement de tous, ce sont des personnes de métier qui auront été castées pour les différents rôles. Avec des noms connus tels que Pierre Tessier (Deadpool) pour Mario. Benoît Du Pac (Onizuka de GTO) pour Luigi. Audrey Sourdive (Abby de The Last of Us) pour Peach et, etc. Une VF de grande qualité qui aura séduit le monde entier. Au point où même les Américains nous enviaient le casting.

D'ailleurs à ce jour, je n'ai vu le film qu'en VF et il paraît que la VO s'en sort globalement bien même pour Pratt.

Musique

La bande-son de ce film Mario est exactement comme je l'aurais imaginé. Un mélange entre une ambiance sonore très "blockbuster" qui passerait crème dans un film d'action à grand budget. Et des remix des thèmes phares de la saga avec certains morceaux qui font office de medley à eux tous seuls. Je trouve que Bryan Tyler, qui n'en est pas à son premier essai pour une musique de film et de jeu vidéo, a bien transposé les compositions de Koji Kondo pour le cinéma.

En revanche ce que j'ai moins aimé avec cet OST, c'est le fait que la musique pop prenne autant de place au point même d’évincer certains morceaux bien plus dans le thème. Comme le très bon Drivin’ Me Ananas, bien présent dans ma bande originale, mais absente du film au détriment de Take on Me du groupe a-ha. Déception accentuée par le fait qu'il a été écrit en partie par un certain David Wise. Le compositeur des incroyables musiques des premiers Donkey Kong Country sur SNES, et de Tropical Freeze sur Wii U.

Et histoire de revenir à Tyler, et sans aucun lien de parenté avec ce dernier, il serait peut-être temps de doser avec I need a hero de Bonnie Tyler non ? Je n'ai rien de base contre ce morceau qui avait déjà été popularisé dans le mythique Shrek 2 il y a presque 20 ans, mais on l'entend un peu beaucoup en ce moment. Notamment dans le film Shazam! La Rage des Dieux, qui est sorti une semaine avant le film Mario.

Trop de fan-service ?

Avant de conclure, il fallait que j'évoque le sujet qui fâche. Ce film Super Mario est d'une générosité que je qualifierais "d'extrême". Je me doutais d'avance par les différents trailers et la nature même du projet qu'on n'échapperait pas à une grosse quantité de fan-service. Je n'ai aucun problème avec ça tant que le dosage est modéré, et que cela dessert le récit. Mais ici, on est à la limite de la boulimie. Je pense sans exagérer qu'il ne se passe pas une minute de film sans qu'on ait au moins 2 ou 3 clins d’œil aux jeux. Certains sont même tellement furtifs qu'on peut facilement les louper rien qu'en clignant des yeux.

Pour un néophyte de la licence ou pour les plus jeunes, ça peut aisément leur passer sous le nez et ça ne les empêchera pas d'apprécier (ou non) ce film. Mais pour quelqu'un comme moi qui ai grandi avec ces jeux, ça ne s'arrête jamais. Le clin d’œil qui illustre le mieux mes propos est la séquence Mario Kart. Que j'ai apprécié, mais qui me donne l'impression d'être là uniquement parce qu'il "fallait la placer". Je pense qu'il aurait été plus intéressant de dédier un film entier à du Karting, plutôt que d'en faire une des séquences les plus longues du film.

D'autant plus que le film ne dépasse pas l'heure et demie. Ce qui laisse assez peu de temps pour souffler et digérer cette avalanche de références. D'ailleurs pour les curieux, je vous invite à voir la vidéo de Mister Flech qui les énumère de manière quasi exhaustive.

Mais au final, je me dis qu'il valait mieux ça qu'un film qui n'ait aucun respect pour le matériau d'origine. Comme ce fut le cas pour l'adaptation de 1993.

Conclusion

Malgré ce que j'ai pu en dire de mal, j'ai tout de même passé un excellent moment devant ce film Mario qui aura ravivé l'âme d'enfant qui sommeillait en moi. Visuellement beau à en tomber. Des personnages hauts en couleur et fidèles aux jeux. D'ailleurs, mention spéciale à un certain Luma qui m'a fait mourir de rire. Et un casting parfait.

De toute manière, j'étais dans un état d'esprit d'aller le voir sans prise de tête et simplement kiffer en tant que fan. Et cette adaptation m'a donné exactement ce que j'attendais d'elle et même plus encore. Certes, pas parfait. Sûrement pas le meilleur film d'animation de tous les temps selon certains. Mais un très bel et respectueux hommage à cette franchise qui a encore de beaux jours devant elle. Mes yeux étant tournés non pas vers sa suite cinématographique qui n'arrivera pas de sitôt, mais sur le prochain jeu Super Mario Bros. Wonder qui sort à la fin de l'année sur Switch.

En tout cas, merci au studio Illumination. Merci au casting. Et surtout, merci à Shigeru Miyamoto sans qui le personnage de Mario n'existerait pas.