« Eh ! Eh !
Eh mon toutou !
Viens-là mon toutou ! Viens chercher le ticket dans la papatte de papa Gru et de tonton Shigeru ! Viens !
R’garde ça mon chien ! Tu as vu ? Y a tes doudous Mario, Luigi et tous leurs amis ! Regarde tout est là ! T’es content ? Oh mais oui il est content le chienchien ! Oh mais oui il est content !
Tu entends ça ? Oui oui c’est bien les musiques de tes jeujeux préférés ! Et là tu as vu la petite borne d’arcade Donkey Kong qu’on a mis là pour te faire un gros clin d’œil façon courant d’air ? Et ici la petite ref’ à Luigi’s Mansion parce qu’on savait que ça te ferait plaisir ? Et puis t’as vu les jolis karts ? Oh mais oui tu aimes ça toi les jolis karts ! Oh mais oui ! Oh mais oui ! Oh mais c’est le gentil toutou à son maîmaître hein ! Mais oui c’est le gentil toutou à son maîmaître !
Allez hop ! Va chercher maintenant ! Va sur Internet et va dire à quel point tu es content maintenant ! Va ! Papa Gru il a encore plein de tickets à venvendre donc soit un bon chienchien ! »


…Quoi ?
…Vous trouvez vraiment que j’en fais trop ? Vous trouvez que c’est déplacé ? Que je vais trop loin ? Eh bah c’est que vous n’avez pas vu ce Super Mario Bros, le film alors…
…Ou bien c’est que vous aimez bien qu’on vous caresse les couilles en vous susurrant des « Mamma mia » à l’oreille.
« Pourquoi pas », vous me direz. A chacun ses fantasmes. Là-dessus je n’entends pas juger… Enfin plutôt si : j’entends juger. J’entends juger parce que d’une part c’est un peu le principe de ce genre de site et aussi parce qu’à un moment donné il faut savoir remettre les choses d’équerre et le château de Peach au centre du village Champignon.


J’entends et je lis à droite et à gauche que – ô surprise – ce Super Mario Bros, le film serait un film pas si mal ? Mieux que ça, qu’il serait un bon film ? Une bonne adaptation de l’univers du jeu vidéo à succès ? Une œuvre qui a su respecter l’univers d’origine et les fans ?
OK moi je veux bien les gars, mais en retour il va juste falloir assumer de votre côté que le Nintenporn vous suffit et qu’il est manifestement votre seul horizon cinématographique, parce qu’à part de l’étalage permanent et sans âme de marioleries en gros plan, dans ce film il n’y a juste rien.


…Et quand je dis qu’il n’y a rien, j’entends par là qu’il n’y a rien d’autre que du fan service des plus crasses. Ça n’arrête jamais. A croire que la rédaction du scénario s’est faite pour l’essentiel autour d’un tableau en liège sur lequel avaient été punaisés tous les jeux de la licence, avec obligation de faire au moins trois références pour chacun d’entre eux… Et dix fois plus en ce qui concerne les jeux encore en vente sur le catalogue Switch pour mieux les vendre par palanquées entières juste derrière…
Pour le reste ce n’est que broderie grossière… Et attention on parle de grossièreté façon Illumination je le rappelle ! Les gars sont quand même capables d’actes de fainéantise et d’attentats à la créativité comme on en voit peu aujourd’hui, quand bien même la période actuelle s’y montre particulièrement propice...


Parce que bon, on parle quand-même de l’adaptation d’un jeu vidéo dont l’intérêt a toujours reposé sur la dextérité et sur rien d’autre ; à tel point que la licence s’en soit toujours royalement battu le coquillard de l’histoire, nous ressortant à chaque fois le même poncif éculé du type qui doit aller sauver la princesse… Or face à ça ils ont décidé d’en faire quoi les petits gars de chez Illumination ? …Vous pensez qu’ils y ont réfléchi ne serait-ce que deux secondes ?
Bien sûr que non pardi ! Pire que ça, face à la transparence évidente de ce genre d'intrigue, la seule chose qu’a jugée bon de faire Illumination ça a été de chercher à remplir le tout avec ce qu’ils estimaient être le désir des fans, c'est-à-dire de la back story.
Par tous les dieux… De la back story …Pour Mario ???
Non mais oh !


Petite question : vous savez pourquoi Mario est devenu plombier dans Super Mario bros 1 alors qu’il était ouvrier du bâtiment dans Donkey Kong ? La vrai réponse c’est qu’il fallait faire comprendre au joueur qu’il pouvait accéder à certains passages en avançant dedans et on s’est dit qu’avec les contraintes de l’époque, si ledit passage avait la tronche d’un tuyau ça permettrait de transmettre l’idée plus facilement au joueur. C’est tout.
Et vous savez pourquoi les Goombas ont une forme de champignon à l’origine ? La vraie réponse c’est qu’on cherchait juste une forme qui donne envie au joueur de leur sauter dessus… Et c’est d’ailleurs aussi pour ça que les powers up ont aussi des tronches de champignons dans Mario : pour qu’on leur saute dessus. Rien de plus… Donc oui, le Royaume Champignon, à la base, ça part juste de ça ! …Et tout le reste relève de cet état d’esprit !


Pourquoi les Koopas ont des carapaces ? Pour qu’on comprenne qu’en leur sautant dessus leur cuirasse résistera et qu’on pourra l’utiliser par la suite ! Et pourquoi on a rajouté des picots sur la carapace de Bowser ? Juste pour qu’on comprenne que, lui, on ne pourra pas le buter en lui sautant dessus ! Point barre !
En termes de narrative design, toutes ces idées sont géniales, surtout pour les années 1980 qui marquent alors les balbutiements du jeu vidéo. Mais en termes d’histoire, ça n’a juste aucun sens ! …Et ce n’est pas grave parce que c’est du jeu vidéo !
…Par contre reprendre ça tel quel pour un film ?! Et au premier degré ?!!
…Croire qu’on en a vraiment quelque chose à foutre des origines de Mario et Luigi en tant que plombiers ?!! De l’identité de leur ancien employeur ?!! De la tronche de leurs parents et de leurs cousins ?!! Du fait que Mario nourrisse un sentiment de complexe de réussite à l’égard de son géniteur ???
Car oui, sachez-le, dans Super Mario Bros, le film a bien décidé d’explorer ces pistes-là. Je n’invente rien. JE VOUS JURE.


Alors oui, par rapport à tout ça, je les entends déjà les fans aux gonades bien polies par papa Gru et tonton Shigeru ! Je les entends déjà celles et ceux qui me diront qu’on s’en fout de l’histoire dans ce film ! Qu’on ne vient pas pour ça ! Etc…
…Pourquoi pas. Moi je veux bien. Mais dans ce cas-là pourquoi on vient ?
Pourquoi venir au cinéma voir un film Super Mario Bros ?
Si on évacue l’idée qu’il puisse y avoir une intrigue dans un film – voire même une quelconque forme de démarche ou de créativité artistiques – alors on vient pour quoi ? Encore une fois, assumez au moins que vous ne venez que pour qu’on vous masse les gonades ; pour qu’on vous sorte simplement de l’image et des sons qui vous excitent !
Parce que, dans les faits, on ne peut même pas dire que ce film soit une bonne adaptation de l’univers de Mario. Même cet argument-là il ne tient pas la route. Et désolé pour toutes celles et tous ceux qui ont dit le contraire parce que, factuellement, vous avez tort.
Pas convaincus ? Reprenons les faits alors.


Faire de Mario et de Luigi des pleutres qui ne cessent de jacasser et de quémander la reconnaissance de tous, est-ce que c’est conforme à l’identité des personnages présents dans les œuvres d’origine ? Franchement ? Pour Luigi, sur le côté peureux, éventuellement oui. Mais pour le reste on est clairement dans le contresens pur et simple.
Et faire de la Princesse Peach une Spice Girl capable de s’auto-libéreeeeerdélivreeeer… Est-ce que ce n’est pas du gros foutage de gueule ça franchement ? On en pense ce qu’on en veut du personnage de Peach dans Mario, mais son identité c’est celle de la pauvre nunuche blonde qui subit tout le temps la situation et qui a trois trains de retard sur tout ce qui se passe. Alors OK, peut-être que cette Peach tout en Girl power que nous sort Illumination saura satisfaire les croisés numériques de la vertu, mais elle n’est en rien respectueuse de l’univers original.
Et si on y regarde bien, la liste pourrait encore être longue. Donkey Kong arrogant et Cranky Kong roi des Kongs, ce n’est pas conforme à l’univers original de Mario. Take on Me, Bonnie Tyler ou Tomayatsu « Kill Bill » Hotei, ça non plus ce n’est pas conforme du tout à l’univers de Mario.
A part les grigris musicaux et visuels qu’on agite toutes les trois secondes dans ce film, il n’y a rien qui ne soit du Mario dans ce film-là.


Et attention : personnellement je m’en cogne que le film ne soit pas respectueux de l’univers Mario. S’il avait su être une vraie œuvre de cinéma, j’aurais vraiment accepté de bon cœur la transgression sans sourciller.
Ce que je dis juste, c’est qu’on a ici affaire à un film qui a décidé d’abandonner toute prétention cinématographique dans le seul but de faire du fan service et que ce fan service, il ne le fait même pas convenablement. C’est factuel. Alors pitié, qu’au moins ça, on l’acte et qu’on range cet argument à la con…
Ouvrons a minima les yeux putain !


« Mais dans ce cas il aurait fallu faire quoi, monsieur je-sais-tout ? » me demanderiez-vous peut-être… Eh bien à cela j’aurais une réponse toute simple à fournir et elle tient en une phrase : il aurait fallu faire La grande aventure Lego.
Parce que c’est quoi La grande aventure Lego si ce n’est aussi l’adaptation d’un jeu ? …Et qui plus est un jeu encore plus dépouillé d’un point de vue diégétique que les Super Mario puisqu’on parle ici d’un simple jeu de briques plastiques ?
Eh bien à bien y regarder, La grande aventure Lego – quand bien même est-il lui aussi un film clairement pensé dans une logique de promotion de jouet – n’a pas eu peur, lui, de raconter une histoire. Et quand je dis qu’il a raconté une histoire, je ne parle pas seulement d’une intrigue qu’on déroule à base de héros qui doit sauver une princesse / le monde (parce qu’il est quand même un peu question de ça dans La grande aventure Lego), je parle surtout d’un propos.
…Car raconter une histoire c’est aussi ça. C’est réfléchir à ce qu’on dit et pourquoi on le dit. Or l’histoire de La grande aventure Lego n’est pas anodine. En opposant d’un côté les créatifs à ceux qui suivent les notices ; d’un côté ceux qui veulent figer les constructions et de l’autre ceux qui entendent les recomposer en permanence, l’intrigue finit par dire quelque chose du jeu et de notre rapport au jeu. Et même s’il est un spot de publicité géant pour la marque danoise, La grande aventure Lego n’en reste pas moins un film qui a su explorer, exposer et questionner une identité, une philosophie et un état d’esprit qui transpirent à travers le produit Lego…
…Dit autrement La grande aventure Lego est un bon film parce que c’est un film complet ; un film qu’aurait pu être ce Super Mario Bros, le film mais qu’il n’a même pas cherché un seul instant à devenir…


Parce que ça aurait pu avoir quelle gueule un film Super Mario Bros ?
Eh bien déjà ça aurait pu être un film qui questionne le fait qu’il n’y ait pas d’histoire justement ! …Un film qui aurait pu interroger le fait que cet univers, à première vue, n’a aucun sens ni aucune cohérence, mais que pourtant il est parvenu à obtenir une large adhésion auprès d’un public fort vaste… Un film qui aurait permis de comprendre le génie de ces jeux qui consistent à n’avoir de sens que sitôt sont-ils pratiqués
Car oui, pour qui n’a jamais joué à un Mario de sa vie, c’est clairement l’image que ça renvoie cet univers : un succès qui ne semble avoir aucun sens ni aucune logique. Et si le film était parvenu à reproduire cela au cinéma, alors il aurait réussi à faire son travail d’adaptation. Mais pour ça il aurait fallu de l’audace, de l’esprit créatif et un brin de subtilité. Bref, tout ce qui manque à Illumination...


Non mais merde quoi…
Comment on peut se contenter de ça ? Comment peut-on dire que ça, c’est du bon cinéma ? Du bon divertissement ? De la bonne adaptation ?
Et quand je pose ça comme question je ne demande pas en sous-texte qu’on remplace tous les films de divertissement par des Citizen Kane, pas plus que je ne renie le plaisir qu’on puisse avoir à manger des madeleines de Proust qu’on nous sert généreusement…
…Non, quand je pose ça comme question, j’interroge juste quel horizon culturel on entend se poser, tous autant qu’on est.
Un film sans intrigue, sans propos, sans audace, sans proposition mais avec toute une guirlande de goodies, est-ce que ça vous suffit vraiment pour être satisfaits et comblés ? Vous suffit-il vraiment de si peu et de si pauvre ?
Mais qu’est-ce qui vous est arrivés franchement ? Êtes-vous à ce point blasés du cinéma ? A ce point-là aliénés par la société de junk consumption ? A ce point conditionnés à remuer la queue sitôt se contente-t-on simplement de vous siffler avec de la ref’ bas du front?
Non mais merde quoi… Respectez-vous.


Si demain je vous refilais une semelle carbonisée dans votre assiette mais que j’y mettais un petit drapeau Bowser dessus en précisant qu’il s’agit là d’un « steak façon Koopa », est-ce que vous mangerez ça avec entrain en vous disant que c’est un bon steak ?
Si demain un flic vous collait une matraque dans le séant tout en criant « Heeeeere Weeeee Goooo », est-ce vous vous diriez soudainement qu’il s’agit là d’un contrôle policier tout ce qu’il y a de plus sympa ?
Et si demain un candidat se présentait aux prochaines élections avec une salopette bleue et un pull rouge, est-ce que vous vous amuseriez à voter pour lui ?
Franchement, je pense que non. J’espère que non.
Donc à un moment donné il me semble qu’il serait bon de ne pas s’oublier.
Le Nintenporn ça peut avoir ses aficionados – pourquoi pas – mais ça n’en fera jamais du bon cinéma.
Alors respectons-nous un peu et – pitié – actons au moins ça.

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le 16 avr. 2023

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