Qu’il est agréable ce film ! Qu’il fait du bien ! Qu’il est drôle ! Et en même temps qu’il fait peur.
Superintelligence propose un synopsis qui ne peut que donner envie de s’y essayer, et on ne regrette pas un seul instant. C’est rafraichissant. Neuf. Intelligent. Et surtout : drôle. Sans arrêt drôle, par ses situations, ses personnages qui ont tous un petit quelque chose de nouveau, ses répliques percutantes. Voilà bien longtemps qu’un film ne m’avait pas fait autant rire. Et en plus de ça, le film propose des vraies réflexions intéressantes, et au fond, est plus que réaliste. J’avoue avoir eu très peur au début, je pensais que le film allait gâcher son idée et c’est tout le contraire : le film exploite tout son potentiel est reste toujours cohérent. Aussi fou que ça en l’air, le film n’est pas fou du tout. Sous son air de comédie, Superintelligence est superintelligent (voilà, on s’en est débarrassé, sinon ça m’aurait tracassé tout du long de la critique). C’est un film qui fait autant rire qu’il fait réfléchir.
Je voudrais commencer par le réalisme global du film, qui m’a vraiment surpris. Les réactions sont logiques et tout semble réel. Il n’y pas de faille scénaristique, pas de blabla débile avec du faux code comme dans tous les films catastrophes américains. Superintelligence se pose des vraies questions et indique des « évidentes » réponses.
Ensuite, je veux évidemment parler de l’originalité du film. Tout y est original (sans être flambant neuf pour autant), de la situation de départ, aux situations, au choix du casting, et tout en particulier l’héroïne du film, qui semble être l’antithèse de ce qu’on pourrait attendre dans un film de genre (ici, je parle du genre Catastrophe, car c’est autant une comédie, une comédie romantique, qu’un drame léger et là où c’est fort, c’est qu’il réussit dans tous les genres qu’il touche). Choisir une femme « quelconque » (c’est pour citer le film), avec des formes, peu confiante en elle, peut sembler assez conventionnel et convenu aujourd’hui, mais Superintelligence ne fait pas ça pour être politiquement correct. Il le fait parce qu’il fait ce que bon lui semble, et que son but, c’est de proposer un divertissement familial où tout le monde peut se reconnaître. But atteint.
Le film fait presque toujours mouche. Son humour fin, subtil et varié percute le plus souvent sa cible comme il désirait le faire. Il y aurait trop de répliques à lister, car ce sont autant les personnages qui sont drôles que les phrases absurdes qu’ils débitent. C’est un défilé de personnages tous surprenants et attachants. Il y en a pour tous les goûts dans Superintelligence. Il y a quelques moments faibles, mais on les excuse aux vues de la réussite des moments forts.
Et à vrai dire, le grand tour de force du film c’est de parvenir à rendre léger une situation extrêmement angoissante, parce que pas si farfelue que ça. Au final, c’est Terminator, mais en plus rigolo, mais si on y songe bien, ces scénarios sont issus du réel. Ce ne sont pas des monstres, des aliens, des zombis : c’est le progrès humain qui juge l’humanité de son humanité. On se souvient des deux IA que Google a débranchées quand ils ne parvenaient plus à comprendre l’échange qu’elles avaient, alors qu’elles étaient parties de 0, et par le simple apprentissage (exactement comme dans le film) sont parvenues à prendre conscience de leur robotique, à s’interroger sur leur créateur, avant de développer un langage qui était devenu incompréhensible pour les plus grands programmeurs du monde. D’où l’arrêt de l’expérience : car on a pris peur panique. Et Superintelligence, aussi léger et drôle qu’il soit, parle aussi de sujets profonds et inquiétants. Il ne parle que de fin du monde, après tout. Une fin des plus plausibles. L’IA apparait drôle, mais elle pourrait devenir la fin à n’importe quel instant par sa surpuissance.
Depuis le COVID et le confinement mondial, on se rend bien compte combien ce film pourrait réellement arriver, à n’importe quel moment. L’IA propose trois solutions, mais l’humanité se persuade ne n’en avoir aucune. Elle refuse son jugement et donc son changement. C’est certainement ce qu’elle ferait. Nous sommes des apprentis sorciers et Superintelligence le montre bien. Et quand le film rentre dans sa dernière partie, il devient terrifiant. Il assène la vérité que nous connaissons sans connaître : « l’humanité va détruire l’humanité ». Et l’IA et son implacable intelligence à raison comme elle ont tort, tout comme Carole a raison et tort. Le génie humain est si somptueux et si désolant à la fois. Superintelligence montre ça simplement, sans se prendre trop au sérieux, mais en laissant la possibilité de le prendre au sérieux.
Cela dit, en plaçant Carole en situation de supra-riche comblé par le luxe (entre l’appartement et la voiture…), le film ne fait-il pas la promotion du luxe sans le vouloir ?
Superintelligence met aussi en lumière combien nos vies sont devenues des données. Combien notre intimité n’est plus que des giga-octets de DATA. Combien nous avons complètement perdu contrôle de ce que nous donnons volontairement, et en nous en fichant, tout ce qui nous est le plus exclusif.
L’air de rien, ce film remue les tripes. À n’importe quel moment, nous pouvons être notre fin. Et il nous demande sans arrêt « qu’aurais-tu fait, toi ? » ce qui revient à dire « que fais-tu, toi ? ». C’est en étant forcé par une intelligence qui parvient à déterminer un nombre inconcevable de probabilités que Carole assouvit enfin ses désirs et réalise qui elle est. Nous sommes des parieurs compulsifs autant que des investisseurs inquiets, écoutant davantage la raison que le cœur. Mais vivons-nous pleinement nos vies ? C’est toujours au pied du mur que l’Homme commence enfin à se battre pour sa survie, pour sa beauté.
Car au final, c’est l’amour qui change le monde. Voilà ce que nous dit Superintelligence. Et il nous dit une chose plus essentielle encore : qui possède le pouvoir, est-ce celui qui possède l’amour ? Hélas. Le pouvoir corrompt l’amour. Le film interroge sur l’absurdité totale du partage de nos ressources, que nous avons transformées en richesse. Et quand le film se conclut, d’un côté on se sent terriblement impuissant face au monde, et de l’autre tout à fait puissant de son soi.
Une comédie-dramatico-romantico-catastrophe qui ravit par sa liberté de ton et qui allège autant qu’elle alourdit. Un beau tour de force.