Ce film de John Ford est, pour moi, une profonde déception. Là où on pouvait attendre un film au souffle épique, John Ford propose une vision synthétique, saturée d’ellipses, refusant les morceaux de bravoure et le côté aventure pour se focaliser sur le portrait d’un groupe de pionniers, ainsi qu’il aime souvent le faire. Si la formule fonctionne très bien par ailleurs, elle se révèle ici décevante. Le couple vedette formé par Henry Fonda et Claudette Colbert peine à susciter une véritable empathie, contrairement aux réussites de Ford. Le personnage de Henry Fonda manque d’épaisseur. Celui de Claudette Colbert en pleurnicheuse déconnectée du microcosme fordien n’est guère convaincante.
Les qualités du film reposent, du coup, sur deux éléments principaux : la beauté des images (Ford expérimente avec bonheur pour la première fois de sa carrière la couleur et joue à merveille de nombreuses flamboyances) dans de magnifiques paysages, et la description d’une communauté riche en couleurs avec son abondance de personnages secondaires truculents. L’histoire, quant à elle, se résume à des épisodes qui exigent une bonne connaissance de l’histoire des États-Unis. Le lien entre chacun d’entre eux n’est pas toujours évident, et l’absence totale (ou presque) d’action suscite, il faut l’avouer, un certain ennui.
On comprend vite que ce film historique veut présenter la naissance de la nation à travers la vie de cette communauté et que l’aspect spectaculaire sera absent de la pellicule. On n’est très clairement pas ici chez Cecil B. DeMille et les ambitions vont au-delà du spectacle. C’est tout à fait louable et la qualité du cinéma de John Ford n’est sûrement pas en question mais, à titre personnel, ce film aurait mérité un autre traitement pour être réellement passionnant. Trop lent, traversé de séquences trop mélodramatiques par rapport à ce qu’il donne à voir, il souffre aussi de démonstrations métaphoriques trop lourdement mises en avant.