On ne pourra manifestement pas retirer à Andrzej Zulawski la radicalité de son originalité, c'est indéniable. Je confirme la parenté thématique et esthétique avec Wojciech Has (plus qu'avec l'autre Andrzej, Wajda, finalement), et je lui reconnais un talent remarquable pour créer des atmosphères aussi barrées qu'envoûtantes, du genre à forcer le respect.
À mes yeux, "Sur le globe d'argent" est le genre de film que personne ne comprendra de A à Z au premier visionnage, et dont le caractère obscur plaira à des cinéphiles à la recherche de bizarreries sibyllines de pays de l'est, c'est très clair. Ne pas tout comprendre, tant que ce n'est pas ne rien comprendre, n'est pas en soi un problème rédhibitoire à l'adhésion ni à l'immersion, au contraire il peut croître une curiosité pour ce dont on ne cerne pas bien les contours et un intérêt pour quelque chose de difficile d'accès. Mais malheureusement je l'ai attendu, ce regain d'intérêt, cette épiphanie dans l'ombre de l'incompréhensible, à force d'être exposer à cet univers biscornu et oppressant. Il n'est jamais apparu. Le résultat, dans ces conditions, c'est un visionnage de près de trois heures particulièrement éreintant. Il faudrait en théorie lui donner une seconde chance, dans des conditions meilleures, par exemple prisonnier d'une salle de cinéma avec une drogue pour rester concentré et éveillé tout du long. En l'état, c'est néanmoins la déception et l'usure qui ont dominé.
Je n'ai jamais réussi à me détacher de l'image de SF d'auteur mal foutue (malgré l'ampleur de la production, figurants, costumes, etc.) et trop verbeuse, avec son côté affreusement théâtral qui disserte bien trop longtemps sur des concepts philosophiques ou spirituels sans offrir de contrepartie pragmatique, sans donner un os à ronger. C'est épuisant. J'aime beaucoup la diversité offerte par une telle expérience, très loin des canons du domaine, mais le sentier emprunté par Żuławski est décidément bien trop éloigné de ma zone de confort. J'aime être malmené, mais pas à ce point, pas dans un tel labyrinthe de symboles dans lequel l'audace semble débridée et bouillonnante, sans parvenir à se focaliser proprement à un endroit donné. Il y a bien une homogénéité graphique qui alimente une dystopie vénéneuse, mais cela ne va jamais vers une concrétisation agréable, comme si l'insatisfaction et l'expérience pénible étaient une fin en soi.
Le flot de paroles m'a aussi semblé très éreintant, il oblige à maintenir un niveau de concentration très élevé sans pour autant se faire gratifiant à moyen terme, ce qui m'a beaucoup ennuyé. Clairement je n'ai pas tenu pendant trois heures. Pas très fan non plus de la mise en abîme des conditions de tournage (malmenées par le régime polonais) à l'intérieur du film, avec explications du contexte, voix off à plusieurs reprises expliquant ce qu'il y aurait dû avoir, et Żuławski qui se met lui-même en scène à la fin. Tous ces reproches, alors que le principe du début d'une nouvelle civilisation, du fondement d'une religion, et des racines presque inévitables de la violence sont des thématiques dotées d'un potentiel cinéphile hallucinant... Je pense que je n'ai tout simplement pas réussi à accepter le contrat que nous fait signer le réalisateur, ne pas tout comprendre, c'est le bordel, etc.