GARDE A VUE est un petit classique du patrimoine français qui résiste très bien à l’épreuve du temps. La bonne nouvelle, pour cette deuxième adaptation du Brainwash de John Wainwright, c'est que Stephen Hopkins s'est totalement réapproprié le matériau original pour un résultat fondamentalement différent.
Aux antipodes du style ascétique de Miller, qui respectait stricto sensu la règle des 3 unités, Hopkins brise les conventions du huis-clos pour nous emmener au-delà des apparences et des représentations.
Agissant tel un sérum de vérité pénétrant et déréglant la psyché de ses personnages, il interfère et prend part aux débats, pour orchestrer avec force virtuosité technique un va et vient permanent entre parole et pensée, entre l'affiché et le refoulé, le fictif et le réel.
Frontale dans l'original, la confrontation flics/suspect se complexifie, les frontières se lézardent et finissent par s'écrouler dans un maelstrom digne des "configurations sociales" de Norbert Elias, le commissariat devenant à la fois l'arène d'un duel psychologique, d'une lutte des classes et de conflits moraux internes, sans que le spectateur n'en rate une miette (quitte à trop nous en montrer). Et le film de doubler ainsi son suspens Hitchcockien d'une dimension humaine assez inattendue.
Ciselé, malin, séduisant -Monica a rarement été aussi belle que sous la lumière de Peter Levy- et interprété avec toute l'intensité requise, UNDER SUSPICION se révèle contre toute attente une leçon de remake qui trône au sommet de la filmographie d'un des artisans les plus sous-estimés des années 90. Un petit classique contemporain à (re)découvrir sans tarder.