L'objet du scandale

Au XVIIIe siècle, une jeune femme née d'une liaison adultérine, qui ne connait donc pas son père, est envoyée par ses parents dans un couvent, alors qu'elle refuse de prononcer ses vœux, étant donné qu'elle n'est pas là de son plein gré.

Il faut se souvenir qu'à l'époque de sa sortie, le film de Rivette avait crée un énorme scandale, jusqu'aux sphères politiques, en raison non seulement de l'adaptation du roman éponyme de Denis Diderot, qui parlait de choses osées dans le contexte de la religion, mais de ce qu'on pourrait y voir de sulfureux dans son adaptation cinématographique. Alors qu'aujourd'hui, pour un spectateur [de 2024], tout cela est bien gentil, et pour peu qu'on connaisse le cinéma de Rivette, il n'y a pas une once de provocation dans cette histoire. Qui est au fond celle du désir d'émancipation d'une femme, très bien jouée par Anna Karina, qui refuse de se soumettre aux desiderata des sœurs, notamment une soumission absolue à Dieu.

Oublions ce côté scandaleux, qui n'a pas lieu d'être, pour s'intéresser au film proprement dit, et j dois dire que malgré mes réticences sur le cinéma de Rivette, j'ai été captivé par le sujet, par la diction qui semble sortir d'un livre, et par le jeu presque théâtrale des comédiens et comédiennes, dont on reconnaitra aussi Francisco Arrabal et Michèle Mercier. Le tout avec des musiques d'époque, et une lumière presque automnale, à la hauteur du drame qui va se jouer peu à peu. En tout cas, c'est du cinéma aride, sec dans son côté dépouillé, avec un effort minimum sur la reconstitution, mais pour peu qu'on soit prêt, le voyage en vaut la peine.