Après les contes gothiques et les fantaisies colorées, voici la comédie musicale. Un nouveau genre servi par une flopée d'acteurs sublimes (les habitués Johnny Depp et Helena Bonham-Carter mais aussi Alan Rickman, Timothy Spall et le jeune débutant Edward Sanders) qui, autour d'une musique grandiose, chantent à la perfection des chansons tour à tour tristes et envolées. Tim Burton est cependant un peu déconcerté par les règles de la comédie musicale adaptée au cinéma, soit le réalisme.
Ainsi, le souci de conserver la saveur et le grandiloquent de la scène (décors restreints, sang pâteux très coloré) se ressent à l'image et se heurte à l'immense liberté artistique qu'a l'habitude de prendre le réalisateur. De plus, les effets visuels très peu présents ne sont hélas pas assez réussis pour réellement convaincre, en témoignent la scène d'introduction ou encore le travelling jusqu'à Fleet Street. Heureusement, le scénario machiavélique, grimpant en crescendo jusqu'à l'apothéose, nous offre une palette de personnages délectables situés au centre d'une histoire morbide à souhait où meurtres sanglants et histoires d'amour s'entrechoquent avec poésie.
N'omettant aucun détail, n'oubliant aucun protagoniste aussi secondaire soit-il, le scénario nous entraine dans les bas-fonds d'un Londres sombre, gris et repoussant. Pour finir, l'adaptation française s'avère en soi réussie mais la quasi-totalité du film étant chanté en anglais, les quelques dialogues traduits ne collent pas vraiment avec les chansons interprétées. À voir en V.O. donc. Au final, dans l'ensemble et malgré quelques futilités, Tim Burton signe une fresque inédite, prenante et surprenante, réussissant à proposer un nouveau genre plus ou moins maîtrisé avec cette touche reconnaissable propre au metteur en scène américain. On attend donc très vite une autre comédie musicale de la sorte, Sweeney Todd étant définitivement l'un de ses films les plus aboutis.