Générosité !
Quelque soit l'avis qui sera le votre après avoir vu ce film venu du Kazakhstan, il est impossible que vous n'en reteniez pas son immense générosité.
Dastan n'imaginait certainement pas que sa partie de pêche avec ses deux potes pour prendre le large d'une femme à fleur d'émotions parce qu'enceinte vire à un tel cauchemar. Poursuivis par une bande de gangsters totalement débiles et tant qu'à être généreux y ajouter un tueur psychopathe profondément cinglé.
Le film, il faut le dire, jouit d'abord d'une maîtrise technique indéniable, on l'ignore majoritairement en France, mais le Kazakhstan ancienne république soviétique sous le joug de Moscou fut le territoire privilégié du régime pour le cinéma, notamment une école de cinéma parmi les plus réputés au monde et des studios dans la capitale dédiés à la production des films de propagande. Les techniciens et artistes du cru savent faire du cinéma et cela se voit. Les cadres sont travaillés, la mise en scène est réfléchie, ils savent tenir une caméra, jouer sur les focales, les profondeurs de champ, ils savent photographier et éclairer une scène, à aucun moment un effet technique quelconque ne déclenche en nous un sentiment qui viendrait plomber notre impression quant au film.
Déjà rien que par ces éléments le film emporte mon adhésion, tant j'en ai marre des scandaleux rendus techniques qui gangrènent le cinéma grand public hollywoodien ! Ces films de grands studios, qui comptent sur une défaillance du sens de la vue chez son public pour cacher leurs défaillances et leur indigence !
Je parle depuis le début de cette critique de générosité. On la retrouve dans un déroulé qui ne se pose jamais, chaque péripétie s'enchaine de façon fluide, il y a un côté cartoon absolument jouissif, les gags de situations répondent aux saillies de dialogues, dans un rythme frénétique mais jamais indigeste. Les idées absurdes telles avoir fait d'un des gangsters un type émotif qui s'évanouit au moindre coup de feu ou à la moindre émotion un peu marquante.
On la retrouve dans des gags qui jouent sur un humour pipi caca, volontiers régressifs et suffisamment servis avec parcimonie pour ne pas tomber dans une outrance vulgaire. La séquence du pet lâché alors que la situation exigeait le silence absolu m'a rappelé le meilleur de l'humour des nuls.
On la retrouve dans l'écriture des personnages, pensez donc nous avons un vendeur par correspondance de poupées gonflables défaillantes, un policier qui a laissé son courage au vestiaire, un tueur implacable, des gangsters plus proches d'une équipe de bras cassés que du gang professionnel, des commerçants iconoclastes, une femme mégère non apprivoisée.
On la retrouve enfin dans les références cinématographiques qui jalonnent le film. On pense aussi bien aux dessins animés de William HANNA et Joseph BARBERA qu'à Massacre a la tronçonneuse (1974), on pense aussi bien à Edgar WRIGHT qu'à Guy RITCHIE. Le motif d'une main vous fera penser à un monument du film survivaliste Delivrance (1972) puis lors d'une seconde itération ce sera d'avantage du côté des classiques du film de zombie que s'égareront vos souvenirs cinéphiles. Références toujours régurgitées avec un souci total de ne pas en faire des hommages appuyés ou indigestes, elles sont des pastilles presque proustienne dans un récit dont l'originalité et l'identité se suffisent.
Un bon moment divertissant, généreux, drôle, techniquement abouti, le cinéma casaque s'offre avec ce film à la fois inattendu et ultra balisé une marque sur la carte mondiale.