"Swiss Army Man" est un ovni, il suffit de visualiser le trailer pour s'en rendre compte, et comme ce dernier ne révèle rien du film si ce n'est le ton employé, il faut le voir pour le croire !
La première scène donne sur un Paul Dano en mode Robinson Crusoé, perdu sur son île déserte et à deux doigt du suicide, qu'on imagine rongé par la solitude et la perte de toute espoir, sans Vendredi, sans ami pour partager sa peine. Mais avant de faire le dernier pas qui le mènera à la mort, il aperçoit Daniel Radcliffe, un cadavre en décomposition échoué sur la plage, et c'est lui qui, paradoxalement, le ramènera à la vie (la vie où on aime et où l'on est aimé, la vie qui vaut la peine d'être vécue). Et comment me direz-vous? Rien de plus simple : en se servant des gaz émis par la putréfaction du corps, ou par un miracle de la nature, on ne saurait dire, comme d'un propulseur, d'un jet-ski humain capable de rallier le continent en un rien de temps !
L'introduction donne un avant-goût très représentatif du film, poétique et complétement abstrait, donnez-lui le sens que vous voulez, et il y en pour tous les goûts ! Si cette dernière ne vous a pas convaincu, que vous pensez qu'un homme perdu sur une île utilisant les pets d'un mort pour retrouver la civilisation relève du stupide plutôt que du génial, alors autant laisser tomber ici, ça ne vous plaira pas.
S'ensuit la quête initiatique des deux protagonistes, Hank (Paul Dano) et Manny (Daniel Radcliffe), le premier se servant du second comme d'un outil multifonction miraculeux ou halluciné (difficile de trancher puisque Hank est ici la seule référence, on ne peut pas confronter sa vérité avec une autre), animé par une soif insatiable de curiosité. En effet ce dernier revient à la vie peu à peu (cherchez pas la logique, on est dans un trip plus qu'abstrait), et Hank doit lui réapprendre à vivre, comme on le ferait avec un nouveau-né. En donnant le goût de vivre à un homme qui est déjà mort une fois, en le convaincant que la vie vaut la peine d'être vécue, à nouveau, pour ses petites joies et la beauté qui s'y cache un peu partout, malgré son lot de tristesse et de malheurs (car oui le film est d'une profonde tristesse), Hank se confronte à lui-même, à ses peurs, et ressuscite aussi d'une certaine manière...
Ce couple incongru vit une parfaite idylle dans un monde onirique créé de toutes pièces, on craint le retour à la "réalité" qui se présage à l'horizon et dont on ne sait plus quoi penser si tant est qu'elle existe dans cet univers autant abstrait que séduisant.
Finalement ce retour à la civilisation arrive... Et là c'est le choc... A la fois dramatique, comique, triste ou heureux : à vous de voir !
Ode à la vie, à l'amour, à l'amitié, ou critique de notre société et de ses non-sens dans une œuvre elle-même abstraite "Swiss Army Man" est une pépite qui recouvre un champ aussi vaste que celui qu'on souhaite lui donner, très belle découverte !