Ayant assisté à la bande annonce quelques années auparavant, je m'étais promis de remettre à plus tard le visionnage de Swiss Army Man. Pas très emballé, mais néanmoins curieux, n'espérant pas plus qu'une oeuvre respectable de cinéma bis, qu'au pire un film faussement subversif de réalisateurs un peu cuistres, au mieux une bonne tranche de rigolade devant un nanard volontaire.
Que nenni !
Swiss Army Man est une excellente surprise qui va bien au-delà du délire d'étudiants en cinéma et qui a le mérite d'emmener le spectateur ou il ne s'y attend pas.
À l'instar du réalisateur Yórgos Lánthimos (en plus drôle quand même) les réalisateurs Dan Kwan et Daniel Scheinert nous proposent un scénario original (dans les deux sens du terme) nous faisant regretter d'avoir jugé un peu trop superficiellement cette oeuvre.
Car au delà de la forme aussi ubuesque qu'atypique, Swiss Army Man se démarque par une profondeur inattendue, les deux protagonistes jouant symboliquement le rôle de reflets respectifs : Hank le mort en devenir, désabusé et intimement pessimiste, va faire découvrir à son compagnon d'infortune, Manny le vivant potentiel, que la vie vaut le coup d'être vécu.
Au fur et à mesure que Manny gagne en humanité, c'est Hank qui entame son processus de reconstruction sociale.
Alors oui, le thème n'est pas très original, mais il a le mérite d'être incroyablement bien maitrisé de part sa réalisation excellente, ainsi que d'une scénarisation efficace. Le film réussit avec brio à alterner les émotions, passant de la comédie (la discussion sur la masturbation dans les bois est aussi bien écrite qu'hilarante) à l'émotion (la scène dans le bus notamment).
Mais le gros point fort du film étant selon moi, le jeu d'acteur des deux protagonistes.
Paul Dano joue... son rôle habituelle de Paul Dano ! L'éternel adolescent un peu flegmatique, victime bien malgré lui de la vie qui à la fâcheuse tendance à le pousser dans les tréfonds du misérabilisme...mais à quoi bon souhaiter le voir dans un autre rôle, tant il le joue à la perfection ?!
Daniel Radcliffe dans son rôle grand-guignolesque, réussit l'exploit de prendre son rôle au sérieux sans tomber dans la surenchère. Mieux encore, il est crédible ! Et c'est avec un malin plaisir que l'on assiste à la déconstruction de son image du jeune homme propre sur lui qu'il trimbale dans nos esprits. Après avoir prouvé qu'il n'était pas qu'un apprenti sorcier pour les studios de la Hammer en pleine déchéance, il persiste et signe dans le rôle du macabé à-tout-faire pour des réalisateurs quasi-inconnus, prouvant aux spectateurs qu'en plus d'avoir un immense talent d'acteur, il possède également une sacré paire de testicule.
Je regrette néanmoins le final un peu trop convenu. Pas un happy-ending, mais une fin qui reste dans un schéma un peu trop classique, un peu trop prévisible.. Dommage de ne pas avoir poussé le jusquenboutisme de la subversion pour proposer autre chose au spectateur !
...Attention néanmoins à la VF infâme ! La scène finale est gâchée par des doubleurs qui ont l'air, eux, de prendre ce film un peu trop à la légère.