La violence est souvent utilisé de manière très stylistique, surtout chez Park Chan-Wook, réalisateur à l'esthétique formelle souvent très léchée. Mais sympathy for Mr. Vengeance en est bien l'exception. Et cela en est peut-être la raison pour laquelle ce film fut un échec au box-office, surtout après JSA, son précédent film, qui fut le plus grand succès du cinéma sud-coréen à sa sortie. Mais c'est aussi ce qui rend cette oeuvre d'autant plus fascinante, vu cette hybridation entre la simplicité de la mise en scène d'un Ozu, le social des Dardenne et le glauque si cher au cinéma coréen.
Le social est une thématique peu abordée dans le cinéma coréen. Mais il apparaît ici comme justification du pessimisme de Sympathy for Mr. Vengeance. Critique du système médical, thématique de la lutte des classes, et surtout une vision particulière de la vengeance, qui n'apporte ici que déchéance de personnages. La question se posant ici est bien celle de point de vue. La première moitié du film reposant sur le personnage de Shin Ha-Kyun (le sourd-muet), et la deuxième sur celui de Song Kang-Ho (le père). Mais surtout, comme le dit le titre, de la sympathie à l'égard de ces personnages. Le père est dans la première partie amené comme le méchant riche, le personnage détestable qui licencie ses employés. Mais dans la deuxième, il prend conscience et est vu comme la principale victime.
A la différence du personnage muet, dont la sympathie se forme dès le début, car il est considéré comme étant victime à partir du moment où il est exposé, de manière très originale d'ailleurs : par une lettre qu'il a écrite pour sa soeur, envoyée à la radio et lue par celle-ci.
Mais cette histoire fragmentée ne vit que par cette alliance avec cette mise en scène. Ici, les plans sont dans la plupart des cas des plans fixes et d'ensemble, pour y ajouter de la froideur, mais aussi un sens réaliste. Car c'est de cette façon que le jeu des comédiens peut être plus puissant. Si l'on veut y laisser de l'importance, il vaut mieux en effet ne pas trop découper, car dans ce cas, l'action prime, non l'émotion. Mais ce parti pris sert aussi à donner un côté comique à des actions qui paraîtraient tragiques à l'écriture. Ce qui est notamment le cas de cette fameuse séquence où Ha-Kyun et Doona se battent entre eux. Il y a un tel air comique dans le visage de ce garçon muet se faisant lancer dessus des nounours que toute la tension dramatique d'une gravité rare est désamorcée durant un faible temps avant de reprendre. Et c'est le cas durant l'intégralité du film.
Mais la virtuosité formelle est bien présente, seulement, elle se fait discrète. Elle apparaît constamment aux moments les plus tragiques, comme lors du moment relatif au don d'organe ou bien
lorsque la mort de protagonistes apparaît.
Et c'est ainsi aussi que fonctionne le sound design. L'utilisation du silence est précieux, car c'est ainsi que toute la froideur et toute l'intensité de cette musique dissonante peut prendre toute son ampleur. Et cette utilisation particulière sert l'émotion, très frappante, de ce film dont le choc a, bien entendu, une utilité.
Car elle n'est pas gratuite, la violence est ici pour servir un propos, plusieurs mêmes, elle n'est pas ici comme objet de fascination comme c'est le cas dans son utilisation générale dans le cinéma coréen, elle est là de manière réaliste. C'est, à nouveau, ce qui crée une telle puissance à Sympathy for Mr. Vengeance. Et c'est aussi ce qui permet d'éprouver autant de sympathie envers ces personnages, magnifiquement écrits, Ha-Kyun comme Song Kang-Ho vivant une progression des mentalités, et bien entendu magnifiquement bien interprétés. Et je pourrais aussi bien entendu parler de ces dialogues, si tristes et criant de vérité, qu'ils permettent à eux seuls d'absorber toute la haine que le spectateur pourraient avoir à l'égard de l'un de ces deux personnages, et procurer un peu de sympathie à ces personnes qui ne peuvent avoir d'autres destins que la tragédie.