Mis à l'honneur dans le numéro du mois de mars des Cahiers du cinéma, il me tardait d'enfin découvrir ce film franco-israélien.
Ours d'or à Berlin, Synonymes est un film qui ne laisse pas indemne et à mon humble avis, qu'on l'ait apprécié ou non, est difficile d'oublier tant il produit l'effet d'un coup de poing.
La vision de ce film est une sorte d'expérience à part entière et cela peut être assez déconcertant : personnellement, j'étais comme aux aguets, droite dans mon siège, concentrée, curieuse, intriguée.
Si j'ai tout d'abord eu un peu de mal à lâcher prise et mettre de côté tout ce à quoi je m'attendais, j'en ai conclu, en sortant de la salle, que le film m'avait conquise dès ses premières minutes où on est directement plongés dans Paris et plus précisément "dans" les pavés de ses rues (le début est une vue sur le sol des rues parisiennes, on ne distingue presque rien à part cette pierre qui prend tout l'espace du cadre). Aussi, tout ce qui suit est inoubliable et intrigant.
Ce qui m'a réjouit avec Synonymes c'est l'intérêt du réalisateur pour la mise en scène et son utilisation de tous les outils cinématographiques (que ce soit le montage, le cadrage, le son etc...). En ce qui concerne la manipulation de la caméra par exemple, presque toutes les séquences extérieures sont filmées subjectivement. Yoav (le personnage principal) se répète et s'ordonne de ne "pas relever la tête" afin de ne pas être influencé, compromis par la beauté de la capitale (il ne veut pas y succomber pour garder l'esprit clair). Cette caméra portée et donc mobile reproduit au mieux sa vision et c'est d'ailleurs l'une des nombreuses idées astucieuses du film.
En termes de son et d'accompagnement musical, c'est la voix de Yoav qui nous porte mais c'est notamment la musique qu'il va écouter ou entendre dans les lieux qu'il va fréquenter qui vont nous faire rentrer dans son monde. Il y a plusieurs séquences de danse et de chant (il y a un flashback d'un enterrement auquel Yoav a assisté où deux jeunes femmes chantent Hallelujah de Milk and Honey qui est la chanson qui a fait remporté à Israël le concours de l'Eurovision en 1979 et il y a une autre séquence où Yoav chante l'hymne national d'Israël notamment qui est captivante).
Je n'ai cessé d'être surprise par ce film : impossible de deviner ce qui allait se passer pendant sa vision tant le scénario ne suit pas de règles précises. Et pourtant, ce qui peut sembler "brouillon" est souvent voulu et maitrisé ce qui rend l'expérience d'autant plus grisante.
Par ailleurs, j'ai beaucoup aimé l'ambiguïté de la relation entre Yoav et Émile : on ne sait jamais s'ils sont attirés l'un par l'autre ou s'ils ont simplement un respect mutuel et une admiration sans borne l'un pour l'autre.
D'autre part, quoi de mieux que de voir Paris avec les yeux d'un cinéaste étranger? De ré-apprendre à écouter quelqu'un parler un bon français et à se servir de notre riche vocabulaire?
Plus qu'une critique ou une revendication, ce film est un objet libre qui s'assume et qui n'a pas peur d'être qui il est même si c'est loin de la perfection. C'est flou et pourtant concret, ça bâtit des murs et puis ça les détruit et surtout ça vous laisse muet et ébahi(e). Synonymes est un cri, une glorification de la liberté d'expression et il résonne encore en moi après un mois.
PS : J'ajoute que Tom Mercier m'a coupé le souffle par son jeu (c'est d'autant plus étonnant quand on sait que c'est son premier rôle au cinema). Il a un charisme déroutant, une voix, une attitude, un regard, une façon de bouger son corps dans l'espace qui ne peuvent pas vous laissez insensible. Un acteur à suivre de près!
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