Trainsmissing
Putain, déjà 21 ans. 21 ans déjà que les junkies Renton, Spud, Sick Boy et le violent Begbie ont sillonné, Iggy Pop dans les oreilles, une Ecosse industrialisée à outrance par le biais d'un film...
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le 1 mars 2017
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Vingt ans.
Vingt ans ont passé. Je n’avais moi-même pas tout à fait vingt ans quand je découvrais avec une impatience rare le second film de ce réalisateur alors inconnu et qui m’avait séduit avec un premier long sadique et percutant. Trainspotting me parlait avec insistance tant j’y retrouvais
qui voudrait mouler les esprits jusqu’à l’apathie quand cette apathie même était en partie l’effet recherché des premières prises de drogues. Renton est rapidement devenu un référent, et j’ai revu l’opus je ne sais combien de fois avec une tendresse toujours particulière pour Spud, une connexion empathique forte.
Vingt ans ont passé durant lesquels je suis régulièrement revenu là, entre la torpeur sordide d’Edimbourg et le clinquant superficiel de Londres. Vingt ans durant lesquels j’ai toujours imaginé la réussite fade et sans saveur d’un Renton coupé de ses origines, tout en rêvant sans illusion d’un avenir meilleur pour Spud, d’une issue. Aujourd’hui l’attente est récompensée : le cinéaste écossais a retrouvé le scénariste de ses premières œuvres, John Hodge, et tous deux se sont assis avec Irvine Welsh à plusieurs reprises afin de prolonger l’aventure, de donner suite aux existences condamnées de ces quatre gars à l’amitié dissoute dans les poudres artificielles.
Le résultat est grandiose.
Là où Trainspotting puisait de son impact dans les méticuleux et sordides portraits d’une jeunesse auto-sacrifiée sur l’autel chimique des désillusions post-glorieuses, ne s’encombrait d’un scénario que sur la fin pour appuyer plus encore l’impossible honnêteté des amitiés précarisées par une absence d’horizon, cette suite heurte de plein fouet
et pose d’entrée plusieurs enjeux qui vont rythmer autant le film que les pérégrinations des personnages. Entre parallèles des inévitables répétitions de la vie et nostalgie d’un passé à jamais perdu, les quatre amis ne peuvent avancer sans tenter de régler les rancœurs qui les hantent depuis vingt ans. Ne peuvent s’épanouir sans toujours se rattacher à une innocence perdue dans l’insouciance de leur adolescence désœuvrée.
Renton revient à Edimbourg où malgré les modernisations en cours, rien n’a changé.
Danny Boyle fait le retour à ses côtés, dans ses pas errants.
Et tout comme le premier revisite les souvenirs d’une époque dont il garde une certaine nostalgie positive malgré le sordide, le second revisite son propre cinéma sans concession. Jusqu’à exploser les montages alternés d’images numériques actuelles et d’extraits rénovés du premier épisode en un maelstrom monstrueusement percutant d’émotions vives. Le réalisateur explore le cœur insoupçonné de ses personnages laissés trop longtemps à la dérive parce qu’incapables de dépasser ce moment qui les a tués. Explore dans le même temps le cœur même de son propre cinéma, construit sur l’extravagance formelle pour toujours sublimer le propos. Entre résistance et rédemption, l’auteur narre
dit combien il est nécessaire de s’accepter tout entier, bonheurs et défauts, lumières et ombres secrètes, si l’on désire se dépasser. Et dans le parcours de Spud se met en abîme, avec intelligence et retenue, avec poésie et une grosse dose d’intense émotion.
La mise en scène, dynamique, n’épargne personne : ni les personnages ni le spectateur. Comme le premier opus, Trainspotting 2 est
et qui, inévitablement, court à l’accident. Montage impressionnant, photographie splendide, respirations larges et enfermements mesurés, un léger bémol pour la bande-son qui n’est pas tout à fait à la hauteur de celle de l’épisode précédent, Danny Boyle récite son cinéma avec une fluidité vivace et percutante, amène l’émotion lourde, irrépressible, dans le rythme effréné, et régulièrement les larmes coulent. Le cinéaste a à cœur de libérer ses personnages de ce passé poudré autant qu’il est conscient de l’impasse d’une société qui n’a évolué que vers le pire.
Au cœur du film, Renton joue la drague primale en adaptant le monologue culte qui ouvrait le premier film à l’air du temps, à l’urgence imbécile de la communication empilée dans les données virtuelles de nos ordinateurs et de nos présences sur la toile. Appuie l’irréalité et
avides de confort et de reconnaissance plus que d’épanouissement. Climax dialectique, c’est une claque de désespoir qui vient souligner combien, en vingt ans, rien n’a changé : l’homme reste l’esclave, aspirations dénigrées, d’une société qui ignore le bonheur, consacrée qu’elle est à l’absurde amas de richesses inutiles, vaines.
First there is an opportunity, then there is a betrayal.
Vingt ans après donc, Danny Boyle enfonce le clou du constat de dégradation de l’existence dans un environnement qui se construit en reniant l’essence sociale de l’homme. Après les effets dévastateurs de la toxicomanie, le cinéaste achève la charge contre ce capitalisme irrespectueux de l’âme qui mène les hommes à l’abandon d’eux-mêmes, les force à s’entredéchirer pour survivre. Trainspotting 2 rejoue le loup derrière l’ami,
Charge d’irrécupérable nostalgie les erreurs d’un passé enfui qui ne cesse pourtant d’être présent dans chaque pas. Irrémédiable retour à la case départ pour un nouvel essai, une nouvelle version et les mêmes erreurs, Lust for Life remixé par The Prodigy…
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Créée
le 2 mars 2017
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