Trainsmissing
Putain, déjà 21 ans. 21 ans déjà que les junkies Renton, Spud, Sick Boy et le violent Begbie ont sillonné, Iggy Pop dans les oreilles, une Ecosse industrialisée à outrance par le biais d'un film...
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Les premières minutes font un peu peur : tout va mal, l'horizon est plombé, les personnages sont tristement largués ou en stand by dans une Europe qui ne les a pas attendus pour muter, et le montage syncopé de Danny Boyle fatigue avec sa multitude de plans pubards qui ne durent que quelques secondes. Puis la sauce prend, le film attrape le spectateur et l'enfonce dans un marécage de mélancolie poisseux sans le noyer malgré tout, le maintenant toujours la tête hors de l'eau grâce à une énergie et une drôlerie salvatrices.
Vingt ans ont passé et l'on retrouve notre bande d'anti-héros. Ils n'ont pas tant changé que ça, certains se sont plus empâtés que d'autres, ils ont plus ou moins décroché des drogues dures mais sont restés accro à leurs démons. C'est le sujet du film : l'impossibilité d'échapper à sa condition sociale, de se sortir du marasme d'une petite banlieue d'Ecosse plombée par le chômage, l'incapacité à aller de l'avant en tournant le dos à des blessures et des vices qui restent chevillés au corps, quoi que l'on fasse. Les vieilles rancœurs, la tentation de l'argent facile, la mauvaise adrénaline comme seule distraction possible, la violence en héritage que l'on assume avec honte, le jusque-boutisme dans le désespoir ; malgré les tentatives, malgré une bonne volonté fugace, malgré la prise de conscience et les ambitions qui font un temps illusion, on n'en sort jamais. A l'image de cette réplique terrible martelée sans cesse par Spud comme un mantra de mauvais augure : "Au début, il y a une opportunité ; puis vient la trahison". Celle des autres bien sûr, mais celle aussi que l'on se fait à soi-même lorsque l'on n'emprunte pas la porte de secours qui vient de s'entrouvrir.
Les références au premier épisode sont nombreuses : à travers la B.O., qui utilise intelligemment les hits phares d'antan pour électriser la tension ou faire naître une vraie émotion, et un montage qui gagne enfin en subtilité et multiplie les flash-backs comme autant de madeleines de Proust au goût amer, Boyle travaille la mémoire du spectateur et de ses personnages. Ce lien permanent avec le passé - cinéphilique et diégétique - participe à l'empathie folle que l'on ressent pour ces personnages : qu'ils soient tendres, machiavéliques, médiocres, drôles ou terrifiants, ils ont tous en commun d'être profondément pathétiques dans leur incapacité à échapper à une tragédie existentielle toute pablovienne. Et c'est ce qui continue de les rendre, malgré le temps passé et la tristesse du constat, éminemment attachants et émouvants.
Danny Boyle et James Cameron ont désormais en commun d'avoir réalisé un T2 qui est meilleur que T1.
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le 6 mars 2017
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