Un train de retard

Vingt ans après avoir trahi ses amis, Mark revient à Edimbourg. Sa fulgurante ascension professionnelle, ainsi qu'un arrêt cardiaque, lui ont rendu l'envie de quitter Amsterdam pour retrouver son Écosse natale. De retour chez ses parents, il retrouve Spud, qu'il sauve du suicide, puis Sick Boy, qui tient un pub délabré et vide. Ensemble ils vont entreprendre la création et la co-gestion d'un sauna-bordel, aidé par la compagne de Sick boy, une escort qu'il utilise pour faire chanter des bourgeois lors de sextapes extrêmes. Tout dérape lorsque Begbie, emprisonné depuis la trahison de Mark, apprend son retour, et échafaude une évasion pour se venger.

Il y a des suites qu'on attendait pas, parce que personne n'en voulait, genre Basic Instinct 2, censée il y a dix ans relancer une Sharon Stone qui depuis a définitivement quitté le star system. Et il y a celles qu'on attendait plus, comme ce T2. Plus ou moins inspiré du roman Porno d'Irvine Welsh (que je n'ai pas lu), il réunit toute l'équipe de l'original, ce qui est un fait assez rare pour être souligné. Vingt ans se sont écoulés depuis le premier Trainspotting, et il se dégage de ce film une impression de retrouvailles fort agréable. Dommage que ce soit le point le plus pertinent du film.

Alors oui, T2 est réussi, la mise en scène de Boyle est fulgurante, tour à tour écrasante et onirique, alternant les symboliques fortes (le sauvetage in extremis de Spud) et les idées folles (le salon de Sick Boy devenant un stade de foot parce que les héros y matent un match), le rythme est soutenu et pesant quand il le faut. Le sous-texte est par contre bien plus faible que dans le précédent, à cette volonté hargneuse de voir quatre camés s'en sortir en risquant le tout pour le tout, succède une pseudo-réflexion sur le droit à l'intimité, à la fois illustrée par le commerce du sexe et d'innombrables plans de caméras de surveillance. La BO est également moins percutante, soulignant cette impression de trop sage.

Le plaisir de retrouver les quatre protagonistes comme on retrouve des potes du lycée demeure intact, certes, et on sent que cette suite a été faite pour de "bonnes" raisons- comprenez, pas aussi putassière et arriviste qu'un remake ou un reboot. Cependant, il manque quelque-chose pour que ce T2 marque autant que son prédécesseur. Le cinéma britannique a vu, depuis Trainspotting, émerger bon nombre de cinéastes qui ont su à leur tour jouer avec les codes du film social pour le transcender- Guy Ritchie en tête. C'est sans doute ça le problème. Qu'il soit "juste" aussi bien que son prédécesseur.

Regarder T2, c'est comme retrouver des potes et refaire le monde, mais constater qu'ils ne sont plus les énergies folles d'antan.