Trainsmissing
Putain, déjà 21 ans. 21 ans déjà que les junkies Renton, Spud, Sick Boy et le violent Begbie ont sillonné, Iggy Pop dans les oreilles, une Ecosse industrialisée à outrance par le biais d'un film...
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le 1 mars 2017
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La peur de vieillir quand on était, il y a vingt ans, jeune et cool se pose sans surprise comme la principale justification de l'existence de T2 Trainspotting : Danny Boyle, qui retrouve ici le quatuor qui a lancé sa carrière dans la cour des réalisateurs de référence, réalise donc cette suite tardive comme pour prouver qu'il est lui aussi toujours dans le coup, démontrant une ultime fois la dimension cathartique de Trainspotting.
Mais comment représenter justement une jeunesse à laquelle on n'appartient plus? Comment aligner sur une même ligne de front les préoccupations du quarantenaire qui se croit jeune avec les attentes des spectateurs adolescents, auxquels T2 s'adresse en priorité? Ah, parce que vous vous croyiez, en tant qu'amateurs ou spectateurs du premier, les premiers visés? Les filtres Instagram, Snapchat et les références actualisées vous feront vite déchanter.
Il y aura bien sa bande-son pour rappeler les souvenirs et l'ambiance de l'époque, pour vous titiller la boîte à nostalgie et jouer sur la fibre de l'émotion : c'est parce qu'il excelle dans l'exercice que Boyle parvient à faire croire que T2 est tourné vers tous les types de spectateurs (sauf les plus jeunes, évidemment), et que ses détracteurs l'apostrophant de suite opportuniste, de film malhonnête jouant seulement sur la nostalgie des uns et le manque de culture cinématographique des autres, ont tout à fait tord.
Il est évident que le casting a vieilli, que Carlyle force le trait pour se faire passer fou au point de caricaturer son personnage initial, que McGregor sonne moins timbré et moins naturel, que la mise en scène force le trait de la personnalité clipesque pour demeurer dans la veine du premier, et donner suite à sa fin ouverte sans dénaturer le travail proposé de base, ni trahir les attentes, les représentations et éviter les craintes des amateurs du film d'origine.
Et c'est justement cela qui le rend si sympathique : malgré des intentions de base possiblement peu louables, T2 respecte à ce point le premier long-métrage en lui donnant suite de façon inédite et cohérente qu'enfin voir un sequel respectueux mais indépendant du volet précédent rafraîchit, le paysage des années 2010 (particulièrement à leur fin) se contentant de produire et proposer des suites-remakes/reboots recopiant le film initial, ou partant dans une toute autre direction sans en garder l'essence profonde (d'un côté Star Wars : Le Réveil de la Force, de l'autre Star Wars : Les Derniers Jedi).
Encore plus lorsque l'entièreté du casting initial est présent à l'écran, et qu'il se donne à fond pour reprendre ces personnages vingt ans après les avoir laissés vivre indépendamment : malgré quelques ratés, les principaux étant notés plus haut, les revoir s'éclater à faire n'importe quoi, croiser seulement leur démarche et leur comportement excentrique, revoir ne serait-ce que McGregor interagir avec son père, retrouver sa chambre fait sacrément chaud au coeur, comme si l'on appartenait à cette famille disparate et autodestructrice.
Ne nous voilons pas la face : Boyle a bien compris l'amour du public à l'égard de ses personnages cultes, et c'est tout naturellement qu'il en profite en "réactualisant" son style. Il le reformate surtout pour plaire aux adolescents venus suivre la crise de la quarantaine de ces potes qu'ils croiseront ensuite en crise d'adolescence (ou du moins, c'en est équivalent), et a le mérite d'éviter la redite inutile en calquant son intrigue sur celle de l'original; s'il en reprend quelques thématiques et séquences, il les réécrit avec suffisamment de soin pour en modifier le sens, le déroulé, au point de les placer comme une vie du vieux en écho avec celle du jeune.
Et il a de quoi leur plaire, son style de gosse irrévérencieux sans respect de la forme et de ses codes : ses angles grossis, ses salles étirées et ses ralentis complétés de zooms, dézooms, d'accélérations, de ces gros plans de visage qui donnent la réplique à ses grands angles de bar, esthétique rajeunie par les filtres des réseaux et les couleurs des boîtes censées insérer dans l'intrigue la représentation que Boyle se fait de la jeunesse actuelle (avec en supplément une horrible caméra à l'épaule digne de dtv sans budget).
C'est qu'il n'a pas tout à fait tord, dans une certaine mesure : l'essence de la superficialité du monde de la nuit est en ce sens bien saisie qu'il en comprend et en détermine justement les enjeux. Il en perd cependant la dimension tragique du premier volet, qui parvenait à ajuster le comportement de ses personnages en fonction de son ton comique ou tragique, tour de passe-passe qu'il entreprenait à merveille et que ce second opus ne parvient pas à reproduire.
Mais à trop reproduire les codes d'une culture underground sexualisée, pleine d'illusions et de superficialité, Boyle s'auto-caricature en mettant au point une esthétique aux multiples ratés, pleine de faux-semblants et dont l'objectif profond est moins de construire une oeuvre réussie que de plaire à un public précis manquant d'expérience, de références et de fait de points de comparaison, public qui pourrait, à bien y réfléchir, lui donner l'opportunité de proposer, sait-on jamais, une nouvelle génération de Trainspotting proche des teufs et de leurs taz, des riches et de leur c, d'une entièreté de nouveaux clichés de société à recopier sans jamais les nuancer.
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Créée
le 24 mars 2020
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